«Mal utilisés, algorithmes et IA peuvent faire perdre du temps »
Les algorithmes et le machine learning permettent des comparaisons et des analyses d’images scientifiques rapides et précises mais requièrent régulièrement des compétences particulières en informatique. Les Image Analysis Breakfast, organisés par Daniel Sage, conseiller scientifique de l’EPFL Center for Imaging, permettent aux chercheurs de toutes les facultés d’obtenir des conseils.
L’imagerie scientifique est probablement le seul domaine où exoplanètes, microfissures d’un matériau, drosophiles et télédétection tiennent salon commun. Si les indices visuels recherchés n’ont que peu en commun, les algorithmes et l’apprentissage automatique utilisés pour faire parler les données se rejoignent et représentent le même défi pour les chercheurs des différentes facultés. Afin d’éviter les faux pas sur ces pierres d’achoppement que sont ces problèmes informatiques avancés, un panel d’expert, emmené par Daniel Sage, conseiller scientifique à l’EPFL Imaging Center, propose deux fois par mois des séances de conseil en analyse d’images destinés aux chercheurs de toutes les facultés, les Image Analysis Breakfast.
Les séances de coaching en imagerie pour donner des pistes
Les progrès des techniques d’acquisition d’images permettent d’obtenir rapidement une grande quantité d’informations et d'élargir les perspectives dans tous les domaines : matériaux, astronomie, biologie, environnement, physique... Mais ces avancées posent des problèmes de stockage, de quantification et d’automatisation d'analyse d'images inédits. Une utilisation naïve des méthodes pour le traitement des données conduit régulièrement à des résultats hasardeux ou à des échecs. Pour Daniel Sage, « si les algorithmes d’imagerie et le machine learning peuvent être de puissants outils, indispensables pour certaines recherches, leur utilisation dans un contexte scientifique requière des compétences spécifiques. Sans cela, ils peuvent faire perdre plusieurs mois s’ils sont mal orientés au départ. Il arrive de détecter quelque chose qui n’est pas juste par exemple, ce qui engendre des erreurs dans l’interprétation des résultats. C’est ensuite difficile, en fin de parcours, de se confronter à ces erreurs ». L’objectif des experts présents durant les séances de coaching n’est pas de résoudre les problèmes sur place, mais de donner des pistes aux chercheurs. Un avis extérieur bienvenu qui permet de confronter son approche et obtenir des conseils pour mener à bien son projet.
Du cosmos à l’infiniment petit, les images ont de nombreux points communs
Les divers domaines ont développé leurs propres programmes, mais la différence relève davantage de l’habitude d’utilisation et de ce qui est enseigné que de variantes de fond. « Par exemple, ImageJ, communément utilisé par les chercheurs en sciences de la vie, pourrait très bien également être utilisé par les chercheurs en sciences de l’environnement », note Daniel Sage. L’un des points communs les plus universels en traitement d’images est le « bruit » lié des dégradations inévitables lors de l’acquisition. Cela se retrouve dans toutes les images liées à la recherche scientifique : le signal cible est souvent faible par rapport à partir d'un arrière-plan bruyant. « Les techniques utilisées sont les mêmes pour n’importe quelle image, tout comme se débarrasser de l’arrière-plan ou détecter des points d’intérêt, comme des contours dans les images », explique-t-il. D’autres pierres d’achoppement fréquentes et interdisciplinaires qui sont apparues au cours des séances de coaching sont par exemple la reconstruction des images, très souvent obtenues de mesures indirectes et partielles. L’entrainement des systèmes de deep learning est souvent difficile devant l’absence de collection d’images suffisamment vaste.
Un tournant lorsqu’une machine bat l’humain
« Si les techniques d’analyse informatique existent depuis de nombreuses années, un vrai tournant a eu lieu en 2015, lorsqu’un système d’apprentissage profond a battu tous les chercheurs et remporté tous les challenges de reconnaissance d’éléments visuels », se souvient-il. Depuis, ces systèmes complexes sont devenus si populaires qu’ils sont parfois utilisés à tort, lorsque des méthodes plus traditionnelles seraient également performantes et moins risquées.
Afin de préparer au mieux les séances de coaching, un résumé des problèmes d’imagerie doit être soumis quelques jours avant aux organisateurs. Si le sujet peut être traité, le chercheur est invité à exposer ses images et ses questions. Il peut également assister en auditeur aux séances, qui se tiennent pour le moment en ligne. « Un professeur m’a même dit que ses doctorants devraient venir régulièrement afin d’entendre diverses manières d’aborder les problèmes d’imagerie et de s’ouvrir l’esprit à de nouvelles méthodes », s’amuse le spécialiste.