Maîtriser la diversité des IRM pour un meilleur diagnostic des AVC
SÉRIE D’ÉTÉ - Projet de master (11). L’algorithme sur lequel a travaillé Antoine Madrona doit permettre d’améliorer le diagnostic d’un accident vasculaire cérébral. Pour cela, il utilise des informations provenant de différents centres hospitaliers, tout en garantissant la protection des données médicales.
Lorsqu’un accident vasculaire cérébral (AVC) survient, il est important de pouvoir localiser et déterminer le type de lésion dans les heures qui suivent l'incident. Généralement, soit c’est un vaisseau sanguin cassé qui provoque la libération de sang dans le cerveau, soit c’est un caillot sanguin qui bouche un vaisseau. Dans le second cas, les médicaments prescrits vont viser à dissoudre le caillot. Si l’on utilise ces mêmes médicaments dans l’autre type d’AVC, cela va fluidifier le sang et empirer l’hémorragie. Or, plus ces lésions sont traitées rapidement, plus le risque de séquelles à l’AVC sera réduit. «Les personnes qui arrivent à l’hôpital après un AVC vont notamment passer une IRM (imagerie par résonance magnétique). Elle va permettre de confirmer qu’il s’agit d’un AVC et de déterminer son type pour décider au plus vite du traitement à donner», explique Antoine Madrona, étudiant de Master en Sciences de la vie à l’EPFL.
L’IA au service de l’imagerie médicale
Pour faciliter ce diagnostic, il est possible d’utiliser des algorithmes d’apprentissage profond qui analysent et font des prédictions basées sur de vastes ensembles de données. Ils vont indiquer aux radiologues où concentrer leur attention et leur permettre de prendre des décisions plus rapidement en leur donnant des caractéristiques quantitatives sur la position, la taille, le nombre de lésions. Dans le cadre de son projet de master, Antoine Madrona a contribué au développement d’un algorithme qui prend en compte des données spécialement hétérogènes, des IRM réalisées grâce à la diffusion des molécules d’eau (DWI=diffusion weighted imaging) venant de différents hôpitaux suisses. «J’ai été surpris de voir qu’il y avait autant de différences entre les établissements. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait aussi peu de standardisation», poursuit-il.
Si un même patient effectuait une IRM dans des hôpitaux distincts, les images obtenues seraient très différentes. En cause, le modèle de scanner et le protocole d’acquisition utilisé. «Il n’y a pas de standard national, ni même international. Chacun choisit une séquence d’impulsions magnétiques qui lui convient avec des intensités et des directions différentes. Ce qui aura une influence sur le contraste et l’apparence générale de l’image», précise l’étudiant.
Sécurité des données
Afin de garantir la protection des données, Antoine Madrona a choisi d’utiliser l’apprentissage fédéré. Cette méthode consiste à entraîner un algorithme commun à plusieurs entités sans pour autant partager leurs données et n’est pour l’heure pas utilisée dans les produits commercialisés pour l’imagerie médicale. «Je m’intéresse beaucoup à la protection de la vie privée et aux algorithmes décentralisés. Je pense que c’est une question d’éthique qui doit se développer dans le domaine de la santé. La vie privée ne devrait pas être sacrifiée pour avoir des diagnostics plus performants», déclare celui qui souhaite poursuivre une carrière professionnelle dans cette perspective.
Si le projet n’est pas encore terminé, Antoine Madrona en tire déjà un bilan positif. Une fois finalisé, l’algorithme pourra assister les radiologues pour diagnostiquer les AVC et cela, quel que soit l’hôpital, le matériel ou le protocole d’acquisition utilisé. «Mon projet est proche du contexte clinique avec un impact direct. Cet aspect très concret m’a beaucoup motivé», confie l’étudiant de 25 ans.
Autre élément particulièrement plaisant : la multiplicité des partenaires. «J’ai bénéficié d’une co-supervision entre l’EPFL et le CHUV, avec des conseils venant à la fois du professeur Jean-Philippe Thiran du Laboratoire de Traitement des Signaux 5 de la Faculté des Sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL ainsi que de Jonathan Patiño, postdoctorant, et Jonas Richiardi, professeur principal, du Translational machine learning laboratory rattaché au Département de radiologie du CHUV», continue-t-il. Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet Advanced Stroke Analytics Platform (ASAP) cofinancé par Innosuisse. Des collaborations avec les partenaires du projet que sont l’hôpital universitaire Inselspital de Berne et l’entreprise Siemens Healthineers, spécialisée dans le matériel médical, sont venues enrichir l’expérience. Un prototype sera testé par les deux hôpitaux dans les six prochains mois.