Localiser les neurones qui régulent le cœur et les poumons

© iStock / PALMIHELP

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C’est une première chez l’humain, les neuroscientifiques de l’EPFL ont identifié au plus profond du cerveau des neurones qui supervisent l’activité du cœur et des poumons. Ces résultats montrent comment le tandem corps-cerveau autorégule ces deux rythmes vitaux.

Le corps est régulé selon un processus appelé homéostasie. C’est la mission du cerveau, qui garde constamment les signes vitaux sous surveillance. Par exemple, si l’on a besoin de plus d’oxygène, un message est envoyé au cerveau qui demande au corps d’ajuster sa respiration et son rythme cardiaque. Jusqu’à aujourd’hui, on n’avait jamais observé les neurones impliqués dans ce processus. C’est désormais chose faite, grâce à une technologie d’enregistrement cérébral déployée pendant des neurochirurgies.

Des neuroscientifiques de l’EPFL, en collaboration avec leurs homologues et des chirurgiens de l’Institut de neurosciences de l’Université Rockfeller de Virgine occidentale et de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, montrent que des neurones isolés, tout au fond du cerveau humain – entre les noyaux thalamique et subthalamique – encodent les signes vitaux du cœur et des poumons. Ils apportent ainsi la première preuve de l’existence du phénomène chez l’humain. Les résultats sont publiés dans PNAS.

“On a émis l’hypothèse de l’existence de telles connexions neurales entre les organes internes du corps et le cerveau sur la base de quelques rares recherches sur des animaux et les travaux existants en anatomie”, explique la co-première auteure Emanuela De Falco au laboratoire de neurosciences cognitives, dirigé par Olaf Blanke. “Nous avons découvert que les signaux cardiaques et respiratoires concernent une grande quantité de neurones.”

Marco Solca, co-premier auteur, poursuit: “il est important de situer ces neurones, puisque cela permet de comprendre comment s’établit la communication entre le corps et le cerveau, au plus profond de ce dernier”.

La communication entre le corps et le cerveau est également connue pour son rôle dans plusieurs processus majeurs d’ordre cognitif ou affectif. Par exemple, elle influe sur la détection visuelle, la régulation des émotions et la prise de décision. Les dysfonctionnements de la communication corps-cerveau sont considérés comme une caractéristique importante de plusieurs maladies mentales dont l’anxiété, les troubles psychosomatiques ou les troubles alimentaires et de l’humeur.

La stimulation du cerveau profond offre une occasion unique

L’étude s’est déroulée sur plusieurs années, grâce à une collaboration avec Ali Rezai, neurochirurgien et directeur de l’Institut de neurosciences à l’Université Rockfeller de Virginie occidentale. Il s’agissait d’enregistrer l’activité de neurones isolés chez des patients à qui l’on implantait des dispositifs de stimulation du cerveau profond (DBS, pour Deep Brain Stimulation), utilisés pour traiter diverses maladies.

La DBS consiste à stimuler des neurones tout au fond du cerveau humain avec une électrode. Avant de l’insérer, les neurochirurgiens choisissent parfois d’introduire une microélectrode pour enregistrer l’activité cérébrale. Le procédé améliore le positionnement de la sonde. Comme dans de précédents projets, les scientifiques de l’EPFL ont reconnu le potentiel de ces enregistrements par microélectrode. Ils ont saisi l’occasion pour effectuer en même temps un électrocardiogramme des patients. Ils obtenaient ainsi des enregistrements couplés de l’activité neuronale et de divers signaux cardiaques et respiratoires.

“Nous savons maintenant où ces neurones sont situés. De très prochaines études pourraient se pencher sur la boucle de rétroaction entre le rythme cardiaque et l’activité neurale dans le cerveau sous-cortical, ainsi que sur leur implication dans la conscience de soi, les mouvements volontaires ou le libre arbitre, explique Emanuela De Falco. De manière plus générale, cette étude établit des bases à plusieurs développements futurs pour comprendre le cerveau, et plus largement les troubles psychiatriques.”


Auteur: Hillary Sanctuary

Source: EPFL

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