lls recensent les microbes de la source du Rhône

© 2018 Jamani Caillet / EPFL

© 2018 Jamani Caillet / EPFL

Sous le glacier du Rhône, une équipe de l’EPFL s’entraîne à recenser les microbes. Durant trois ans, ils se rendront au pied de 200 glaciers, sur tous les continents, pour étudier la capacité d’adaptation aux changements climatiques des micro-organismes.


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Vincent De Staercke tamise le fond de la rivière. Dans le courant, des roches au teint brunâtre révèlent la présence de micro-organismes. Ingénieur EPFL en environnement, il prélève de la boue et la glisse dans une éprouvette qu’il plonge dans une sorte de bonbonne de gaz d’où s’écoule une épaisse fumée blanche. A moins 195° C, l’azote liquide conservera les échantillons jusqu’à ce qu’ils arrivent au laboratoire, à Renens. L’opération sera répétée plusieurs fois sur plusieurs sites pour près de 200 glaciers, sur tous les continents.

Un voyage dans le temps

En étudiant l’ADN de ces micro-organismes partout sur la planète, les chercheurs veulent découvrir leurs ancêtres communs. Coordinateur du projet, Tom Battin explique: «Ce voyage dans le temps nous renseigne sur leurs stratégies d’adaptation. Certains sont piégés dans la glace depuis des millions d’années. Ils ont survécu à bien des changements climatiques.» Ces recherches sont nécessaires pour comprendre l’évolution de nos cours d’eau soumis au réchauffement climatique. Une partie des échantillons sera conservée dans une biobanque pour les chercheurs du futur. Celle-ci devrait être installée à Sion.

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Du Valais à l’Himalaya

Petit ruisseau, le Rhône s’écoule paisiblement. Au carrefour des cols de la Furka et du Grimsel, on ne voit plus le glacier, seule la moraine grise nous le rappelle du fond de la vallée. Vincent De Staercke et son collègue Matteo Tolosano consultent des courbes devant un ordinateur portable auquel sont reliés plusieurs instruments posés dans la rivière. «On mesure notamment la température, l’acidité de l’eau et la force du courant. On doit connaître les conditions environnementales de chaque échantillon.»

Ce travail n’a jamais été fait, on doit établir les méthodes, écrire les protocoles."
Vincent De Staercke, ingénieur EPFL en environnement

Equipé de gants de latex, les chercheurs font preuve d’une minutie extrême. Toute action doit être notée, tout échantillon labellisé. «Nous sommes encore à l’entraînement», précise Vincent De Staercke. «Comme ce travail n’a jamais été fait, on doit établir les méthodes, écrire les protocoles.» Les trois chercheurs de l’expédition parcourront les glaciers des Alpes jusqu’à la fin de l’année.

De l’azote dans les bagages

Géologue et chef de l’expédition, Mike Styllas est chargé de la logistique: «On va du plus simple au plus compliqué. La plupart des glaciers valaisans sont accessibles en voiture; quand on sera rodé, on ira dans l’Himalaya, vers des zones accessibles uniquement à pied.» En janvier, les trois membres de l’expédition iront en Nouvelle-Zélande étudier une vingtaine de cours d’eau.

Chaque pays est un défi. Mike Styllas doit obtenir les autorisations nécessaires pour prélever et transporter ses échantillons. Il voyagera avec ses instruments, les réserves d’azote, et les mille fioles utilisées sur chaque site. Le contexte politique est aussi important, le projet est soutenu par le Département fédéral des affaires étrangères. «Ma plus grande crainte est qu’on se fasse arrêter dans un coin perdu du Népal ou des Andes. Je me vois mal expliquer à la police locale que ces bonbonnes ne contiennent pas de produit dangereux», conclut Mike Styllas.

Article paru dans Le Nouvelliste du 14 septembre 2018 et reproduit ici avec son accord.