Limiter la hausse des températures à moins de 2°C est encore possible
Les 120 pays signataires de l’accord de Glasgow seront-ils capables d’atteindre leurs engagements climatiques d’ici la fin du siècle? Des chercheurs de l’EPFL ont développé des modèles d’analyse très détaillés qui permettent de calculer sur le long terme les réductions des émissions de CO₂ et l’impact sur le réchauffement. Leurs résultats apportent une note d’espoir.
L’étude menée au sein du Laboratoire d’Economie Urbaine et de l’Environnement (LEURE) de l’EPFL témoigne pour une fois d’un léger optimisme en matière de réchauffement climatique. Selon un scénario qui calcule une projection jusqu’en 2100, il serait possible de rester juste en dessous d’une hausse de température de 2°C si les pays respectent et appliquent leurs engagements climatiques à moyen et long terme, signés lors de la COP26 à Glasgow en 2021. Pour rappel, 120 nations y ont revu à la hausse leurs objectifs pour 2030 et annoncé des promesses de neutralité carbone d’ici 2050 à 2070.
Notre objectif était d’analyser les politiques climatiques de plusieurs pays avec différents modèles économiques intégrés afin d’évaluer dans quelle direction vont les émissions de CO₂ et le réchauffement. Cela permet de fournir aux décideurs des projections détaillées et à long terme.
Les scientifiques Marc Vielle et Sigit Perdana, spécialistes de la modélisation appliquée au changement climatique dans la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC) ont collaboré au sein d’un consortium de plusieurs universités pour mener à bien cette recherche dans le cadre du projet européen Paris Reinforce. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Climate Change.
«Notre objectif était d’analyser les politiques climatiques de plusieurs pays avec différents modèles économiques intégrés afin d’évaluer dans quelle direction vont les émissions de CO₂ et le réchauffement. Cela permet de fournir aux décideurs des projections détaillées et à long terme. A notre connaissance, c’est la première évaluation multimodèle publiée, qui considère les derniers développements des négociations climatiques», détaille Marc Vielle.
Défi de la neutralité carbone
Leurs résultats prennent la forme de trois scénarios. Si les états continuent à appliquer la politique climatique décidée avant la COP26, la température augmentera de 2,1 à 2,4°C d’ici la fin du siècle, selon leurs prévisions. Dans le cas où les pays mettent en place leurs nouveaux engagements définis à Glasgow à l’horizon 2030, le deuxième scénario prévoit une plus petite augmentation de 2 à 2,2 °C. Enfin, si les pays, qui ont décidé de s’inscrire dans une trajectoire de neutralité climatique à long terme, mettent en œuvre leurs engagements, l’augmentation passe juste sous la barre des 2°C (entre 1,7 et 1,8°C). Ce troisième scénario est le plus optimiste même s’il n’arrive toujours pas à atteindre les 1,5°C, seuil limite décidé lors des accords de Paris en 2015. En ce qui concerne la réduction des émissions de CO₂, les trois scénarios montrent une stabilisation puis une diminution proportionnelle à leurs engagements climatiques à partir de 2030.
Pour arriver à ces conclusions, les scientifiques ont utilisé plusieurs modèles d’analyse qui prennent en compte aussi bien des facteurs socio-économiques, régionaux que technologiques. «On regarde pour chaque pays les moyens mis en place pour atteindre ce fameux 1,5°C d’ici la fin du siècle. On se base également sur plusieurs hypothèses qui prennent en compte des incertitudes de faisabilité afin d’obtenir une vision plus fiable pour l’avenir», ajoute Sigit Perdana. L’objectif d’atteindre la neutralité carbone est un véritable défi et les moyens d’y parvenir varient énormément d’un pays à l’autre. L’Europe, par exemple, s’est fixé cet objectif pour 2050 tandis que la Chine l’a agendé pour 2060.
Evaluer les risques associés à la transition énergétique
L’étude cherche aussi à évaluer la faisabilité des scénarios décrits. Cette notion de faisabilité touche à des thématiques très variées : les questions du stockage du carbone et de son prix, le déploiement à petite ou grande échelle de nouvelles technologies pour développer des énergies renouvelables, mais aussi les réactions sociétales face aux coûts qu’elles engendrent ou encore la rapidité à réduire la demande énergétique des bâtiments ou des transports. «Ce qui est aussi novateur dans cette recherche, c’est d’évaluer pour chaque région et dans différents domaines, la faisabilité de chacun des scénarios décrits, car chaque zone fait face à des défis bien différents. Cela permet de souligner les domaines d’action dans lesquels les politiques gouvernementales devraient accorder leur priorité. En accentuant, par exemple, la recherche dans une technologie, ou en lui accordant un accès privilégié pour son financement », ajoute Marc Vielle.
Si leurs projections les plus ambitieuses prédisent la capacité des états à passer sous la barre des 2°C, les chercheurs soulignent que l’objectif des 1,5°C n’est toujours pas atteint. Et qu’il faut continuer à redoubler d’efforts.