Les vers intestinaux sont bénéfiques pour le système immunitaire

Heligmosomoides polygyrus bakeri, l'helminthe utilisé sur la souris de cette étude © Nicola Harris / EPFL

Heligmosomoides polygyrus bakeri, l'helminthe utilisé sur la souris de cette étude © Nicola Harris / EPFL

Des chercheurs de l’EPFL ont découvert comment les vers communiquent avec la flore intestinale pour aider le système immunitaire.

Les vers intestinaux infectent plus de 2 milliards de personnes à travers le monde, principalement des enfants, dans les régions où les conditions sanitaires sont mauvaises. Mais bien qu’ils causent de graves problèmes de santé, les vers peuvent aussi aider le système immunitaire de la personne atteinte afin de se protéger de manière indirecte. Au vu de ces constatations, des tests sont en cours pour identifier les bienfaits de ces parasites. Nous savons toutefois peu de choses sur la manière dont ils interagissent avec le système immunitaire de leur hôte. Une nouvelle étude de l’EPFL montre que ces effets passent par la flore intestinale qui aide la digestion. Cette recherche est publiée dans la revue Immunity.

Les vers intestinaux appartiennent à la famille des helminthes, qui sont de grands parasites multicellulaires responsables d’infections chroniques chez leur hôte. Pratiquement éradiqués dans les régions développées, les helminthes infectent encore des milliards de personnes dans le monde.

Mais en raison de leur longue évolution parallèle avec les mammifères, les helminthes ont développé une relation étroite avec le système immunitaire de leur hôte, au point de le réguler de manière bénéfique. Par exemple, les helminthes peuvent avoir une influence positive en cas d’asthme allergique. La façon dont les helminthes affectent le système immunitaire est cependant mal connue, de même que la possibilité de les exploiter pour combattre des maladies causées par une inflammation.

Le laboratoire de Nicola Harris à l’EPFL a aujourd’hui montré que l’activité anti-inflammatoire des helminthes intestinaux implique une communication avec un agent inattendu : la flore intestinale, aussi appelée « microbiome ». Ces bactéries ont fait les gros titres dans le domaine de la nutrition ces dernières années, à mesure que l’on découvre combien elles influencent le métabolisme, l’immunité et la santé d’une personne.

Dans cette étude, les chercheurs ont observé les effets des helminthes sur les porcs. Après une infection chronique par ce parasite, le métabolisme des animaux a radicalement changé : ils produisaient en particulier des niveaux plus élevés dans l’intestin d’une sorte de graisse appelée « acides gras à chaîne courte. » Ces acides gras sont produits par le microbiome, et peuvent activer une famille de récepteurs qui influencent à leur tour le système immunitaire. Ces récepteurs sont aussi connus pour leur contribution à certaines fonctions ou défaillances du colon, et sont même impliqués dans la régulation de maladies allergiques des voies respiratoires.

Les chercheurs ont découvert la même chose en observant les cellules du système immunitaire de souris infectées par un helminthe. Come chez les porcs, les souris avaient une plus grande production d’acides gras à chaîne courte. Des tests approfondis ont montré que ceux-ci agissaient sur les mêmes récepteurs pour influencer des cellules immunitaires spécifiques. En résumé, cette recherche a montré un lien clair entre l’infection par ce vers, le microbiome et le système immunitaire.

Cette étude met en évidence le microbiome comme une nouvelle voie par laquelle les helminthes pourraient influencer la fonction immunitaire de leur hôte. « Il y a encore du chemin à faire, mais cette recherche ouvre de nouvelles possibilités intrigantes qui pourraient expliquer, et peut être exploiter, la stratégie par laquelle les vers intestinaux communiquent avec le système immunitaire de leur hôte. »

Cette recherche est une collaboration entre l’Institut de Santé Globale de l’EPFL, l’Institut des sciences et ingénierie chimiques de l’EPFL, le Laboratoire de biologie computationnelle et bioinformatique de l’EPFL, l’Université de Genève, l’Université de Berne, le Wellcome Trust Sanger Institute, l’Université d’Aberdeen, l’Université de Gand, l’Hôpital universitaire de Berne, le Prince Charles Hospital à Brisbane, l’Université James Cook, Novartis et le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois. Elle a été financée par le Conseil européen de la recherche via le septième programme-cadre de la Communauté européenne.

Source :

Zaiss MM, Rapin A, Lebon L, Kumar Dubey L, Mosconi I, Sarter L, Piersigilli A, Menin L, Walker AW, Rougemont J, Paerewijck O, Geldhof P, McCoy KD, Macpherson A, Croese J, Giacomin PR, Loukas A, Junt T, Marsland BJ, Harris NL. The intestinal microbiota contributes to the ability of helminths to modulate allergic inflammation. Immunity 17 November 2015.