Les truites profitent aussi du chauffage de l'EPFL
Une étude démontre que le système de chauffage original adopté par l’Ecole est bénéfique aux rivières avoisinantes et favorise la reproduction des poissons. L’agrandissement du campus ne devrait rien y changer.
Pour chauffer ou climatiser ses locaux, l’EPFL dépend directement du lac Léman, pompant son eau puis la rejetant dans les rivières avoisinantes. Pour son projet de master, Jonathan Sidler, ancien étudiant au Laboratoire de technologie écologique (ECOL), a décidé d’étudier l’impact de ce système de chauffage original sur ces cours d’eau. Or, ces écosytèmes constituent l’un des lieux de reproduction des truites les plus importants en Europe occidentale. Etonnement, son étude a révélé qu’injecter de l’eau du lac dans ces ruisseaux leur est écologiquement très favorable et améliore leur attractivité pour les poissons.
Influencée par la crise énergétique des années 1970, la décision d’adopter un système d’échange thermique pour chauffer et climatiser les bâtiments de l’EPFL a été prise au milieu des années 1980. Prélevée à une profondeur de 68 mètres sous la surface du lac, l’eau est à 6 degrés Celsius, soit une température suffisamment élevée pour fournir de la chaleur en hiver grâce à des pompes, et suffisamment basse pour absorber les excès de chaleur en été. Depuis l’introduction de cette forme de chauffage, il y a plus de 25 ans, la consommation de mazout a ainsi drastiquement diminué, bien que le campus soit désormais beaucoup plus étendu.
L’idée de travailler sur ce thème est née d’un projet d’évaluation de la qualité des eaux de trois rivières ayant leur lit à proximité des sites de l’EPFL et de l’Unil: la Sorge, la Mèbre et la Chamberonne. Des chercheurs se sont aperçu que les litres réinjectés dans leur courant après avoir transité par les pompes à chaleur du campus, situées vers l’arrêt de métro «Sorge», diluaient l’eau de ces cours d’eau, ainsi que les polluants qu’il était en train d’observer. Jonathan Sidler a eu envie de comprendre ce phénomène…
Les truites sont de retour
La truite lacustre, une espèce indigène pouvant peser plus de 15 kilos, sélectionne méticuleusement son lieu de reproduction. Elle préfère les rivières, où les eaux ne sont ni trop chaudes en été, ni trop froides en hiver. Ce n’est donc que dans une étroite fourchette de températures que ce poisson trouve les conditions adéquates pour se reproduire et prospérer.
Cet animal était autrefois bien adapté à nos rivières. Mais les pratiques agricoles et l’urbanisation en ont modifié les températures et le flux, rendant ces environnements moins attractifs pour les truites. «En injectant les eaux usées du lac dans ces ruisseaux, nous les rafraîchissons en été et au début de l’hiver, conservant ainsi des conditions qui conviennent particulièrement bien à ces poissons, explique Luca Rossi, chercheur au Laboratoire de technologie écologique et superviseur du travail de Jonathan Sidler. De plus, nous aidons ainsi à maintenir un courant constant même durant la saison sèche et diluons toute forme de pollution.»
Mais ce qui est bon pour les poissons ne l’est pas forcément pour les autres espèces. Les changements du flux induits par les besoins du campus en chauffage pourraient porter préjudice aux castors installés dans la région. Toutefois, leur population tend à se développer, laissant penser que les effets néfastes de courants moins constants sont compensés par le fait que les lits de ces rivières ne sont plus jamais à sec.
Un labo aux portes du campus
A mesure que le campus s’agrandit, les quantités d’eau prélevées dans le lac puis injectées dans les rivières augmentent également. Grâce à la simulation par ordinateur, Jonathan Sidler a pu prédire les changements de températures que ces cours d’eau enregistreront à l’avenir. L’étudiant est arrivé à la conclusion que ces écosystèmes pouvaient supporter l’impact des nouvelles constructions, telles que le Centre de conférences de l’EPFL et le bâtiment Geopolis de l’UNIL, qui utiliseront la même méthode de chauffage.
Cette étude a un autre avantage. Elle permet de faire de la Sorge, la Mèbre et la Chamberonne un site d’observation privilégié de ces écosystèmes aux portes même de l’EPFL, à l’instar du lac Léman dans les campagnes Léman21 et Elemo. «Maintenant que nous avons redécouvert le lac, il est temps que nous prenions conscience de l’importance de nos rivières», conclut Luca Rossi.