Les systèmes de transport intelligents ont besoin de gouvernance

Aujourd'hui, de nouvelles solutions de transport existent, facilitées par les technologies de l’information et de la communication. ©istock

Aujourd'hui, de nouvelles solutions de transport existent, facilitées par les technologies de l’information et de la communication. ©istock

Deux chercheurs de l’EPFL éditent un livre qui met en lumière la nécessité de gouvernance pour exploiter et réguler le potentiel des nouveaux systèmes de mobilité. Une mobilité devenue partagée, automatisée, électrique et intégrée.

Avant, on parlait de moyens de transport. Aujourd’hui, on parle de systèmes de transport. Devenus intelligents, ils reposent sur le partage, l’automatisation, l’électrification et la mobilité intégrée. Le professeur Matthias Finger et le doctorant Maxime Audouin, de la Chaire La Poste en management des industries de réseaux l’EPFL, se sont penchés dans un livre* sur les nouvelles formes de gouvernance nécessaires pour tirer le meilleur de cette évolution. Maxime Audouin en détaille les enjeux.

Pourquoi vous intéresser à la gouvernance des systèmes de transports ?

Ils sont aujourd’hui largement dominés par la voiture individuelle. Cette prédominance est devenue contre-productive. Les villes, pour la plupart totalement engorgées, sont à l’image des dysfonctionnements des systèmes de transports urbains. Or de nouvelles solutions de transport, facilitées par les technologies de l’information et de la communication, sont aujourd’hui disponibles. Reposant davantage sur l’usage que sur la possession, elles ouvrent la voie à un renouveau des systèmes de transport et offrent la possibilité d’amorcer une transition vers un système post-voiture, potentiellement plus durable. L’industrie de la mobilité est en train d’évoluer selon quatre disruptions majeures avec le développement de la mobilité partagée, automatisée, électrique et intégrée.

Pourquoi y a-t-il un besoin de gouvernance ?

Aujourd’hui, les nouvelles solutions de mobilité sont très souvent poussées par le secteur privé, dans un but commercial. Par exemple, il est dans l’intérêt d’Uber d’avoir le plus de clients possible, ce qui pourrait aboutir a plus de véhicules sur les routes et donc à un niveau de congestion accru. De la même manière, un constructeur automobile va chercher à vendre le plus de voitures électriques et sans chauffeur possible, mais si rien n’est fait pour que ces véhicules soient partagés entre plusieurs utilisateurs, leur impact sur les systèmes de transport risque d’être nul, voire négatif. Ainsi il est capital de voir comment réguler ces activités afin qu’elles bénéficient aussi à l’intérêt général. Le livre donne des pistes pour ne pas passer à côté de la maximisation du potentiel de ces solutions.

Des solutions comme les plateformes de partage, comme Uber, par exemple.

Oui, cependant, les autorités publiques n’ont pas toujours la bonne réaction envers ces nouvelles plateformes. Beaucoup tentent de leur appliquer les régulations ayant été développées pour des modes de transports traditionnels. D’autres décident de fermer les yeux ou de les bannir. Or, ces nouveaux opérateurs, très disruptifs, trouveront toujours le moyen de contourner les interdictions, alors autant prendre une longueur d’avance et les intégrer à l’existant.

Comment faire alors?

Plus on attend pour les intégrer, plus ce sera compliqué. Cela ne veut pas dire qu’il faut tout déréguler et considérer ces innovations comme des solutions à tous nos problèmes de transport. Elles sont une opportunité d’améliorer la situation actuelle. La numérisation permet d’obtenir une quantité de données sans précédent sur les opérations de ces nouveaux acteurs. Servons-nous-en pour développer des régulations qui favorisent leur intégration dans les systèmes de transports existants. Par ailleurs, il est crucial que les autorités publiques établissent des objectifs quantitatifs précis à moyen et long termes, en matière de réduction d’émissions ou de réduction du trafic. Les solutions de transport intelligent peuvent contribuer à atteindre ces objectifs, pour autant que ces objectifs existent…

Un autre pilier de ces nouveaux systèmes de mobilité est l’autonomisation des véhicules. Comment les autorités réagissent-elles?

Beaucoup oublient d’inclure les acteurs sociétaux dans le processus de prise de décision. Comment peut-on légiférer sur les comportements futurs des individus dans les véhicules autonomes si on ne les inclut pas dans les discussions? Nombre de pays veulent être les premiers à avoir des véhicules sans chauffeur sur leurs routes. Mais paradoxalement, la part de la population prête à utiliser un véhicule autonome est plus mince que ce que l’on pourrait croire. Par ailleurs, au-delà des questions de sécurité, il est capital de développer des régulations poussant au partage de ces véhicules. Si toutes les voitures classiques sont remplacées demain par des véhicules autonomes qui ne sont ni partagés ni électriques, l’impact sur la performance des systèmes de transport sera négligeable voir négatif.

*The Governance of Smart Transportation Systems, Matthias Finger et Maxime Audouin (editors), Springer, septembre 2018.