Les souffleurs de verre de l'infiniment petit

© Alain Herzog / EPFL

© Alain Herzog / EPFL

Des chercheurs de l’EPFL utilisent les propriétés électriques d’un microscope électronique à balayage pour agir sur la taille d’un tube capillaire de verre. La méthode, brevetée, peut déboucher sur de nombreuses applications.

Avez-vous déjà lancé dans le feu d'un pic-nic – même s’il ne faudrait pas le faire – un emballage de chips vide? L’effet est saisissant: le plastique se ratatine, se replie sur lui-même, jusqu’à ce que le paquet se résume à une petite boule fripée et noircie. Ce phénomène s’explique par la tendance des matériaux à retrouver des caractéristiques qui leurs sont propres lorsqu’ils en ont la possibilité, ce qui est souvent le cas s’ils ont été formés à haute température, refroidis, et qu’on les chauffe à nouveau.

A l’EPFL, des chercheurs ont constaté que ce phénomène se produisait aussi sur des tubes de quartz ultrafins – des capillaires – placés sous l’œil d’un microscope électronique à balayage. «Ce n’est pas vraiment prévu dans la notice du microscope, mais cela s’explique par le fait que le verre, non conducteur, accumule les électrons – et cela se traduit par une augmentation de sa température» précise Lorentz Steinbock, collaborateur scientifique au Laboratoire de biologie à l’échelle nanométrique (LBEN) et co-auteur d’un article publié aujourd'hui dans la version imprimée de Nano-letters.

Rétrécissement sous contrôle
La contraction se donne à voir en direct sur l’écran du microscope. «Un peu comme un souffleur de verre, et grâce au nouveau microscope du Centre de micronanotechnologie (CMI) de l’EPFL, l’opérateur peut moduler la tension et l’intensité du champ électrique, tout en observant la réaction du capillaire. Il peut ainsi contrôler très précisément la forme qu’il veut lui donner» explique Aleksandra Radenovic, professeure assistante tenure-track responsable de ce laboratoire.

Au terme de ce processus, les extrémités des capillaires forment des pointes au diamètre parfaitement contrôlable, pouvant aller de 200 nanomètres à leur fermeture complète. Les scientifiques ont testé leurs capillaires affinés dans une expérience qui permet de détecter des segments d’ADN dans un échantillon : la solution à tester est envoyée d’un réservoir à un autre sur une puce microfluidique. A chaque fois qu’une molécule franchit le «canal» reliant les réservoirs, une variation du courant ionique peut être mesurée. Comme elle s’y attendait, l’équipe de l’EPFL a obtenu des résultats plus précis avec un tube réduit à 11nm qu’avec les modèles du marché. «A partir d’un capillaire qui ne coûte que quelques centimes, nous fabriquons en cinq minutes un dispositif qui peut remplacer des «nano-canaux» vendus à plusieurs centaines de dollars!» assure Aleksandra Radenovic.

Ce n’est pas que dans les laboratoires que ces nano-entonnoirs présentent un potentiel intéressant. «Nous pouvons aussi imaginer des applications industrielles telles que des imprimantes à ultra-haute précision, de même que des débouchés en chirurgie, où des micro-pipettes de ce type pourraient être utilisées à l’échelle de la cellule», ajoute la chercheuse.

La méthode de fabrication de ces nano-capillaires étant pour l’heure essentiellement manuelle, une application industrielle à grande échelle n’est pas pour demain. La preuve du concept ayant été apportée et un brevet déposé pour protéger la méthode, la route est toutefois déjà pavée.