«Les solutions simples surpassent parfois les plus compliquées»
Vincent Digneaux, Solène Guisan et Vincent Kastl ont gagné le premier prix du concours étudiant d’architecture Sustainable is beautiful avec leur projet d’une passerelle modulable sur la rivière Chamberonne, à la fois lieu de passage et de rencontre. Une première expérience au plus proche de la réalité de la profession.
Un appel à projets pour construire une tour d’habitation, une école ou un musée: participer à un concours d’architecture est l’une des activités phares de la profession, une fois hors les murs de l’EPFL. Pouvoir s’y préparer dans un contexte académique devient une manière concrète de se frotter à la réalité du terrain. Dans cette optique, le Laboratoire d’architecture et technologies durables (LAST) propose depuis quelques années aux étudiantes et étudiants de la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC) des concours d’idées baptisés Sustainable is beautiful, en partenariat avec des institutions privées ou publiques engagées dans des initiatives locales liées à la transition. La dernière édition a eu pour thème la création de passerelles écologiques dans le cadre de l’opération de renaturation de la rivière Chamberonne sur le site de l’Université de Lausanne et de son bord du lac. Vincent Digneaux, Solène Guisan et Vincent Kastl ont remporté le premier prix pour leur projet baptisé «Chassé Croisé». Une joie et une surprise pour ces étudiantes et étudiants en Master en architecture, pour qui c’est aussi une première.
«Le principe de ce concours d’idées se décline sur la thématique de la durabilité et du climat. Cette fois, nous avons œuvré en partenariat avec l’Entreprise de correction fluviale de la Chamberonne, et le soutien de la Société suisse des ingénieurs et architectes (SIA Vaud). C’est une opportunité unique de développer un sujet lié aux questions écologiques et de réaliser un projet différent de ce qui est demandé pendant les études», précise le professeur Emmanuel Rey, directeur du LAST, initiateur du concours et président du jury. Après la création d’un nouveau point vélo sur le campus de l’EPFL (2015), ou encore d’un pavillon dédié à l’entraînement connecté au sein du centre sportif de Dorigny (2018), le concours 2023 visait à imaginer deux nouvelles passerelles pour traverser la Chamberonne après l’élargissement futur du lit de la rivière. La première structure devrait remplacer celle qui existe aujourd’hui à proximité du Château de Dorigny tandis que la deuxième devrait voir le jour au-dessus du delta.
Ce qui nous a plu, c’est le côté local du projet qui nous concerne directement. Un site voué à la renaturation offre d’intéressantes possibilités pour les architectes.
Tester des idées
Comme pour les professionnels, le concours reposait sur un cahier des charges, un calendrier spécifique et un jury d’expertes et experts, qui a évalué la pertinence des propositions soumises pour cette édition. Les participantes et participants pouvaient travailler en groupe avec une personne formée en dehors de l’EPFL. Dans le trio gagnant, Vincent Digneaux a suivi son cursus académique à Paris. Quant à Solène Guisan et Vincent Kastl, ils collaborent sur des projets étudiants depuis le début de leurs cursus et reconnaissent travailler ensemble efficacement grâce à leur complémentarité. C’est lors d’un stage à Paris que l’étudiante de l’ENAC rencontre Vincent Digneaux et l’embarque dans l’aventure du concours. «On y a participé pendant notre temps libre et on y a consacré un mois, dont deux semaines très intenses», se souvient l’étudiante. «Ce qui nous a plu, c’est le côté local du projet qui nous concerne directement. Un site voué à la renaturation offre d’intéressantes possibilités pour les architectes.» Et Vincent Digneaux d’ajouter: «c’était aussi la première fois qu’on travaillait sans encadrement et qu’on pouvait tester nos idées et voir si elles étaient bonnes.»
Collaborer à trois et à distance peut parfois être compliqué, mais pas dans leur cas, disent-ils à l’unisson. Solène Guisan, basée à l’époque à Paris, faisait le relais entre les deux Vincent, assurant les allers-retours entre idées et croquis. «Pour imaginer «Chassé Croisé», poursuit Vincent Kastl, nous devions faire des projections, car le programme de renaturation n’est pas encore en place et la rivière peut potentiellement s’élargir de 4 à 40 mètres. Alors nous avons décidé de créer un endroit de pause pour profiter de ce nouvel environnement. De faire ralentir les gens. Ce n’est pas juste une passerelle. On l’a pensée comme un lieu où s’arrêter et se rencontrer».
Réflexion pertinente à plus d’un titre
Le jury avait établi une série de critères, dont une empreinte carbone basse. «Chassé Croisé» a obtenu le premier prix à l’unanimité. «Cette passerelle se définit par une articulation de plusieurs tracés rectilignes créant, en leurs croisements, des espaces à but de contemplation et de détente. Ce projet s’intègre bien sur cette rivière renaturée. Son élégance a aussi été saluée ainsi que sa structure mixte bois et acier. La réflexion sur chaque matériau était pertinente. Cette passerelle modulable est facile à construire et à entretenir et pourrait également être déclinée en d’autres lieux», souligne Emmanuel Rey.
Pour le trio gagnant, l’expérience a été très bénéfique. «Nous avons appris que les solutions simples surpassent parfois les plus compliquées. Souvent on cherche à aller trop loin et revenir à quelque chose de poétique et moins complexe est une bonne piste», conclut Vincent Kastl.
Le premier prix, d’une valeur de 4000 frs, a été attribué au projet «Chassé Croisé» proposé par Vincent Digneaux, Solène Guisan et Vincent Kastl.
Le deuxième prix, d’une valeur de 3 000 frs, a été attribué au projet «L’oiseau de pierre» proposé par Iciar Bonnet, Léandre Guy et Mathieu Stutz.
Deux mentions, d’une valeur de 1 000 frs chacune, ont été attribuées au projet «Elévation» de Thomas Albanesi et Aymen Mosad Radab et au projet «La Houle » de Maxime Duc, Mathias Hersperger, Siméon Pavicevic et Emeline Vilela.