Les robots apprennent à partager, validant ainsi la règle de Hamilton

Petits robots de foraging utilisés dans l’expérience
Une expérience menée à l’EPFL et à l’Université de Lausanne (UNIL) dans le domaine de la robotique évolutionaire, illustre le principe de la règle de l’altruisme de Hamilton et améliore par ricochet la collaboration entre robots évoluant en essaim.
A l’aide de robots simples simulant l’évolution génétique sur des centaines de générations, des scientifiques suisses apportent une preuve quantitative de la sélection de parentèle et font la lumière sur une des énigmes les plus durables de la biologie: pourquoi la plupart des animaux sociaux, y compris les êtres humains, se donnent-ils du mal pour s’entraider? Dans un article paru dans le numéro de Public Library of Science (PLoS) Biology du 3 mai, Dario Floreano, professeur de robotique à l’EPFL, fait équipe avec Laurent Keller, biologiste de l’UNIL, pour étudier la question souvent débattue de l’évolution des gènes de l’altruisme.
La règle de Hamilton a fait l’objet de nombreux débats parce que son équation semble trop simple pour être vraie. «Cette étude en reflète remarquablement le principe qui explique quand un gène altruiste est transmis d’une génération à la suivante, et quand il ne l’est pas», déclare Keller.
La robotique évolutionaire
Des expériences précédentes réalisées par Waibel, Floreano et Keller avaient montré que des robots de foraging assurant des tâches simples, telles que pousser sur le sol des objets semblables à des semences jusqu’à une destination, évoluent sur de multiples générations. «Ces engins commencent par une série totalement aléatoire d’informations codées, la version robot du génome, et seul le code qui fonctionne passe au niveau suivant», explique Floreano. Les robots incapables de pousser les semences jusqu’au bon endroit sont éliminés et ne peuvent pas transmettre leur code. Ceux qui s’en sortent relativement mieux voient leur code reproduit, muté et recombiné avec celui des autres robots pour former la génération suivante — ce qui constitue un modèle minimal de la sélection naturelle. Au bout de centaines de générations, ces individus deviennent plus efficaces et apprennent même à travailler en groupe sans autres interventions de la part des chercheurs.
Cette nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’EPFL et de l’UNIL ajoute une dimension inédite: une fois qu’un robot de foraging pousse une semence jusqu’à la bonne destination, il peut décider s’il veut la partager ou non. Des expériences évolutionnaires durant 500 générations ont été répétées pour plusieurs scénarios d’interaction altruiste — la quantité qui est partagée et à quel coût pour l’individu — et d’apparentement génétique dans la population. Les chercheurs ont créé des groupes qui, dans le monde des robots, seraient l’équivalent de clones complets, de frères et sœurs, de cousins et d’individus sans lien de parenté. Ceux qui partageaient conformément à la règle de Hamilton assuraient mieux le foraging et transmettaient leur code à la génération suivante.
Les résultats quantitatifs ont été étonnamment conformes aux prévisions de la règle de Hamilton, même en présence d’interactions multiples. La théorie initiale de Hamilton tient compte d’une vision limitée et isolée de l’interaction génétique, alors que les simulations génétiques mises en œuvre dans les robots de foraging intègrent les effets d’un gène sur d’autres gènes multiples sans que la règle de Hamilton ne cesse jamais d’être vraie.
Ces résultats s’avèrent déjà utiles pour la robotique en essaim. «Nous avons pu prendre cette expérience et en extraire un algorithme de l’altruisme dont nous pouvons nous servir pour faire évoluer la coopération dans tous les types de robots, explique Dario Floreano. Nous l’utilisons pour améliorer le système de commande de nos robots volants et nous constatons qu’il leur permet de collaborer efficacement et de voler avec plus de succès en formation».