Les risques d'un additif de l'essence pour la nappe phréatique

Des chercheurs de l’EPFL ont démontré pour la première fois le risque de pollution que représentent les simples vapeurs d’un additif de l’essence, le MTBE, pour les eaux souterraines. Les résultats de leur expérience ont été publiés dans la revue de référence en matière d’environnement : Environmental Science & Technology.

« Loin de se volatiliser comme on le supposait jusqu’alors, les vapeurs de MTBE migrent à travers le sol et peuvent contaminer durablement les nappes phréatiques », précise le chef du projet de recherche à l’EPFL, Dr Patrick Höhener. Un accident provoquant le déversement d’une petite quantité d’essence sur le sol est donc suffisant pour polluer les eaux souterraines. Les chercheurs de l’EPFL ont simulé ce type de situation. Ils ont déversé huit décilitres d’essence dans un lysimètre cylindrique de 2,5 mètres de profondeur, enterré en majeur partie et rempli de 4 tonnes de sable. Puis ils ont observé la volatilisation et le lessivage des composés de l’essence vers une nappe d’eau située au bas du cylindre.

« La petite quantité d’essence n’a pas coulé directement vers l’eau souterraine, mais les vapeurs de certains de ses composés ont migré à travers le sable - matière particulièrement perméable aux vapeurs - jusqu’à la nappe qu’elles ont contaminée », explique Patrick Höhener. L’additif MTBE, ou Ether méthyltertiobutylique, s’est avéré être le composé le plus problématique : sa concentration dans l’eau souterraine a dépassé de 30 fois la valeur limite prescrite par l’Ordonnance fédérale sur l’assainissement des sites contaminés. La concentration des autres composés, tel le xylène, n’a par contre pas excédé les valeurs légales. En outre, la trace des autres composés a disparu en quelques jours, contrairement à celle du MTBE, composé qui ne se dégrade guère naturellement.

Une eau contaminée par du MTBE « sent le laboratoire de chimie » et devient imbuvable, précise Patrick Höhener. Elle dégage cette mauvaise odeur dès que la concentration en MTBE atteint 20 microgrammes par litre.. Mais le MTBE est aussi suspecté d’être cancérigène. Chez les rongeurs, l’effet cancérigène a été démontré. « Sur la base de nos travaux, nous estimons que le MTBE devrait être remplacé si possible par une autre substance telle que l’éthanol », estime Patrick Höhener, dont l’étude, financée par l’Office fédéral de l’éducation et de la science, s’inscrit dans le cadre d’un programme européen de recherche qui s’étendra jusqu’en 2003.

En 2000, l’Union européenne a affirmé qu’il n’y avait pas lieu d’interdire le MTBE. Il en va autrement aux Etats-Unis, où les réservoirs de nombreuses stations d’essence sont enterrés sans protection. Quand ils se corrodent, ils laissent échapper du carburant, dont les composés peuvent polluer les nappes phréatiques. C’est pourquoi l’Etat de Californie s’apprête à prohiber totalement le MTBE d’ici la fin de l’année.