Les quatre vies de Farnaz Moser à l'EPFL

Farnaz Moser-Boroumand, directrice du Service de promotion des sciences. 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Farnaz Moser-Boroumand, directrice du Service de promotion des sciences. 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

La directrice du Service de promotion des sciences a reçu le Prix de l'engagement exceptionnel lors de la cérémonie de la Magistrale.

Farnaz Boroumand n’était pas encore majeure quand elle est arrivée en Suisse pour étudier à l’EPFL. Dans quelques mois, elle quittera l’École pour prendre sa retraite. Hormis une infidélité d’un an pour sa parente zurichoise, l’ingénieure chimiste devenue cheffe du Service de promotion des sciences (SPS) de l’EPFL n’aura connu qu’une seule école, qu’un seul employeur. «Il y a plusieurs vies à l’EPFL», glisse-t-elle en guise d’explication. Plus qu’une carrière, c’est une personne que récompense cette année le Prix de l'engagement exceptionnel (Outstanding Commitment Award) qui lui a été remis lors de la cérémonie de la Magistrale, le 4 octobre dernier. "Sa tenacité, son humanité et sa vision ont profondément enrichi la communauté et ouvert la science à toutes et tous", précise le laudatio.

Son histoire, Farnaz Moser-Boroumand l’a souvent racontée. Elle commence comme un conte de fées, celui d’une petite fille douée à Téhéran qui va sceller son destin à 11 ans quand elle visite une entreprise chimique: «J’ai vu des ingénieurs chimistes et je me suis dit ‘c’est ça que je veux devenir’. J’avais trouvé mon modèle.» Son rêve se réalise à l’EPFL, poussé en Suisse par la fermeture temporaire des universités de son pays d’origine. Détentrice d’un diplôme étranger, elle passe par le CMS, poursuit avec le Master, le doctorat, le postdoc, la recherche.

Sa première vie chemine vers la seconde. En parallèle de ses recherches, notamment dans le domaine de la pollution des sols, Farnaz Moser-Boroumand s’engage activement dans la vie associative de l’École. Elle défend les causes qu’elle trouve justes : des places en crèche pour les jeunes parents, des possibilités d’avancement pour le corps intermédiaire, le projet d’un centre de carrière... Elle fait partie de l’Association du corps intermédiaire, qu’elle présidera. En 1996, c’est grâce à elle que nait la garderie Polychinelle. Un succès qu’elle perçoit au quotidien puisque le SPS occupe le deuxième étage du bâtiment de la garderie.

Donner confiance aux jeunes filles

«Je travaille toujours au même endroit, mais j’ai plusieurs fois changé de travail», reprend-elle. Au tournant du siècle, elle ferme définitivement le chapitre de la recherche et devient déléguée à l’égalité des chances. Le Bureau de l’égalité, créé en 2004, s’attache à mettre en place des programmes pour l’avancement de carrières des femmes et pour initier les jeunes filles aux sciences et leur donner confiance.

«Et puis, j’ai réalisé que la promotion des sciences était aussi nécessaire pour les garçons, non seulement pour encourager la relève mais aussi pour contribuer à une culture scientifique générale». Sans perdre sa vision féministe, c’est l’éducation scientifique pour toutes et tous qui devient son leitmotiv. «Notre monde est de plus en plus influencé par les sciences et les technologies. Les filles et les garçons doivent avoir accès à l’éducation scientifique pour le comprendre et pouvoir prendre les décisions, qui impacteraient leur vie et la Société, en connaissance de cause.» D’abord constituée en unité en 2008, la promotion des sciences devient un Service en 2015, sous sa direction. Il compte aujourd’hui une trentaine de personnes, et touche plus de 20’000 enfants et autant d’adultes par an, dans toute la Suisse, à travers son programme «Les sciences, ça m’intéresse!», ses ateliers pour le jeune public, son bus des sciences, ses collaborations avec les écoles ou encore le festival Scientastic.

Il faut redonner au public confiance dans la science et, pour cela, la clé c’est l’éducation.

Farnaz Moser-Boroumand, directrice du Service de promotion des sciences

Si Farnaz est infatigablement positive, elle ne cache pas la complexité de la tâche. Par exemple, au cours des 10 dernières années, son service a changé 7 fois d’affiliation. Sept fois, elle a intégré une nouvelle culture et absorbé le changement pour ne pas le répercuter sur ses équipes. Elle a aussi dû batailler pour défendre ses projets pionniers et les financer. Et quand elle voit aujourd’hui la science perdre du terrain face à une certaine méfiance et l’obscurantisme, elle redouble de motivation: «C’est d’autant plus important de poursuivre nos efforts. Il faut redonner au public confiance dans la science et, pour cela, la clé c’est l’éducation.»

"J'ai adoré chaque moment de mon parcours"

À l’heure du bilan, elle se reconnait privilégiée: «J’ai adoré chaque moment de mon parcours – les études, la recherche, la défense de l’égalité des chances, la promotion de l’éducation scientifique. J’ai eu énormément de chance de pouvoir lancer des projets, davantage de pouvoir les réaliser et encore plus de les voir vivre.» Son sourire fait briller ses yeux quand elle évoque toutes ses petites victoires : des parents qui la remercient d’avoir contribué à l’orientation de leur enfant, des jeunes qui choisissent l’EPFL parce qu’ils et elles l’ont découvert à l’école, des adolescentes qui n’ont plus l’âge pour adhérer au Coding Club pour les filles et en deviennent animatrices ou simplement voir son équipe «heureuse».

«Ce n’est pas facile de quitter des projets, mais je suis heureuse de ce qui a été accompli avec ma formidable équipe, le bilan est positif et j’ai le bon sentiment que ça continuera. Il y a un moment où il faut laisser la place.» Farnaz partira confiante. Elle souffle sans surprise qu’elle va continuer à s’engager pour des causes qui lui tiennent à cœur. «Mais il faudra donner le temps au temps.»