Les pérovskites photovoltaïques peuvent détecter les neutrons
Un dispositif simple et économique pour détecter les neutrons a été mis au point par une équipe de chercheurs et de collaborateurs de l’EPFL.
Basé sur une classe spéciale de composés cristallins appelés pérovskites, ce dispositif pourrait permettre de détecter rapidement les neutrons provenant de matériaux radioactifs, par exemple dans un réacteur nucléaire endommagé, ou transportés de manière néfaste, expliquent les chercheurs. Leurs travaux sont publiés dans la revue Scientific Reports.
Les pérovskites à base d’éléments organiques et inorganiques sont pressenties pour devenir des matériaux révolutionnaires dans le domaine des cellules photovoltaïques. Mais leurs atouts ne se limitent pas à convertir la lumière du soleil en énergie. Ces cristaux ordonnés peuvent aussi être utilisés pour détecter des types spécifiques de rayonnement, de la lumière visible aux rayons gamma. Les matériaux pérovskites cristallins sont économiques et faciles à fabriquer. Leur structure cristalline et leur composition spécifiques leur permettent d’interagir très efficacement avec les photons d’une manière qui n’est pas encore totalement comprise, mais les électrons générés sont prêts à être exploités dans des applications pratiques.
Le détecteur de neutrons à pérovskite repose sur les travaux que l’auteur principal, Pavao Andričević (aujourd’hui chercheur postdoctoral en physique à l’Université technique du Danemark), a réalisés pendant ses études doctorales à l’EPFL avec László Forró (aujourd’hui à l’Université de Notre-Dame, États-Unis). Ils ont mis au point des matériaux pérovskites capables de détecter un large éventail de rayonnements, de la lumière visible aux rayons gamma. Mais les neutrons – qui sont des particules neutres, et non des photons – sont restés hors de portée des détecteurs à pérovskite. Jusqu’à présent.
Les pérovskites développées par l’équipe d’Andricevic et de Forró sont des monocristaux contenant du plomb et du brome d’un composé appelé tri-bromure de plomb méthylammonium. Pour tenter de détecter directement les neutrons, l’équipe a d’abord placé ces cristaux dans la trajectoire d’une source neutronique. Cela a été réalisé avec l’aide de Gabor Nafradi (Rutherford Appleton Laboratory, Royaume-Uni) et par l’équipe du professeur Pautz (Laboratoire de physique des réacteurs, EPFL). En heurtant les cristaux, les neutrons pénètrent dans le noyau des atomes du cristal au point d’atteindre un état d’énergie plus élevé. Lorsqu’ils se détendent et se désintègrent, des rayons gamma sont produits. Ces photons gamma chargent la pérovskite, et un courant peut être mesuré.
Mais ce courant était si faible que l’équipe a compris qu’il fallait quelque chose de plus pour réaliser un détecteur de neutrons pratique. Et ce petit plus a été trouvé dans une fine feuille de gadolinium métallique, qui absorbe beaucoup mieux les neutrons que le cristal de pérovskite nu. Lorsque ces neutrons interagissent avec les atomes de gadolinium, ils sont excités et passent à un état d’énergie plus élevé. Et lorsqu’ils se désintègrent, ils émettent un rayonnement gamma. Le gadolinium est beaucoup plus efficace que la pérovskite pour créer des photons gamma. Cette dernière avait déjà été développée comme un excellent détecteur de gamma. La combinaison des deux était simple et très efficace. Ils ont ajouté une électrode de carbone et les électrons produits dans la pérovskite étaient faciles à mesurer, explique László Forró, «il suffit d’utiliser un voltmètre ou un ampèremètre».
Pour améliorer encore le détecteur, l’équipe a ensuite fait croître le cristal de pérovskite autour de la feuille. Ces pérovskites particulières sont remarquables car leur structure cristalline n’est pas affectée par la présence d’un corps étranger en leur sein. «La propriété de ce matériau est telle qu’il peut absorber n’importe quoi, d’une mouche à un crocodile, en passant par le gadolinium. Il se développe donc autour de l’objet, et reste cristallin. C’est donc une caractéristique vraiment fabuleuse de ce matériau», explique Márton Kollár, chimiste de l’équipe.
Un avantage supplémentaire du dispositif est qu’il peut mesurer la direction et la taille du flux de neutrons. Ce pourrait donc être un dispositif de balayage très utile s’il était adopté par une entreprise commerciale.
«C’est simple, économique et rentable», déclare László Forró. Maintenant qu’ils ont démontré que le dispositif fonctionne, la prochaine étape est le perfectionnement et la commercialisation potentielle. «C’est une démonstration de principe, cela fonctionne. Et maintenant, nous pouvons réfléchir à la configuration d’un détecteur très efficace», explique László Forró.
The work in Lausanne was supported by the ERC Advanced Grant of L.F.
Hybrid halide perovskite neutron detectors. Pavao Andričević, Gábor Náfrádi, Márton Kollár, Bálint Náfrádi, Steven Lilley, Christy Kinane, Pavel Frajtag, Andrzej Sienkiewicz, Andreas Pautz, Endre Horváth & László Forró. Scientific Reports volume 11