Les organoïdes au garde-à-vous pour pouvoir les comparer
Des chercheurs de l’EPFL ont mis au point une méthode qui permet de comparer pour la première fois des milliers d’organoïdes entre eux de manière systématique. Une avancée qui ouvre la porte à une utilisation industrielle, par exemple pour le test de nouveaux médicaments.
Depuis dix ans, les organoïdes suscitent de nombreux espoirs, notamment pour améliorer le test de nouveaux médicaments et la médecine personnalisée. En effet, ces cultures de cellules en trois dimensions présentent une organisation et des propriétés similaires à celles d’un organe entier, offrant des possibilités sans précédent. Mais leur utilisation à large échelle se heurte à leur croissance désordonnée. Pour comparer des milliers d’échantillons en vue d’une utilisation industrielle, un panel de mini-organes identiques, placés dans une position propice à une observation automatisée, est indispensable. Le Laboratoire de bio-ingénierie des cellules souches de l’EPFL (LSCB) ouvre aujourd’hui une nouvelle perspective grâce à la conception de pastilles de gel microstructurées qui permettent aux cellules de s’organiser. Le système, détaillé aujourd’hui dans un article de Nature Biomedical Engineering, a été utilisé avec succès dans une étude du CHUV pour tester des molécules médicamenteuses sur un cancer colorectal.
Les organoïdes observés de manière automatique
Il a fallu plusieurs années de recherche pour obtenir ce cocon idéalement adapté à la bonne croissance des organoïdes. « Un des paramètres essentiels est la vitesse d’agrégation des cellules souches », note Nathalie Brandenberg, l’une des auteurs de l’article. Les pastilles d’hydrogel sont percées d’une multitude d’orifices de quelques micromètres de diamètre dont le fond est en forme de U. Les cellules instillées – une centaine par trou – s’y regroupent et forment une colonie relativement compacte en une trentaine de minutes. Ainsi emprisonnées, elles se développent et se différencient pour donner, environ 60 heures plus tard, des organoïdes fonctionnels. « Le taux de réussite de ces cultures est de 92% », souligne la chercheuse. La technologie utilisée, la lithographie sur une surface molle, permet une production en série de ces pastilles. La méthode paraît simple, mais « la mise au point du design et la fabrication hautement fiable des pastilles ainsi que les techniques de croissance des organoïdes dans ces pastilles ont constitué un véritable défi scientifique », se félicite Matthias Lütolf, directeur du LSCB.
Adapté à divers types d’organoïdes
Dans le cadre d’un test de médicaments anticancéreux, le concept a été utilisé récemment au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et au Ludwig Institute for Cancer Research. Ces milliers de petits échantillons presque au garde-à-vous ont permis d’obtenir rapidement une multitude d’images ainsi que des données précises en temps réel sur des aspects anatomiques, physiologiques ou encore moléculaires. Et de pouvoir ainsi les comparer. Les chercheurs ont également constaté qu’en choisissant un diamètre et une densité particuliers, les mini-organes étudiés atteignent une longévité de 16 jours, ce qui permet une exploration de l’impact de la substance active sur la durée. L’ajout de liquide ou de gel quotidien pour nourrir les cellules ne perturbe pas ce bien-être puisque la manipulation détériore moins de 1% des échantillons.
L’utilisation de cette méthode ne se cantonne évidemment pas au test de médicaments sur des cancers puisqu’elle est adaptable en fonction des besoins. « Le diamètre, la profondeur et l’espacement entre les microcavités peuvent varier, ainsi que la composition du gel. Il est ainsi possible de faire pousser des tissus de différents types et de taille variable », souligne Matthias Lütolf. La technologie est actuellement utilisée dans une étude clinique pilote, en collaboration avec le CHUV, pour faire pousser des organoïdes d’intestin de patients atteints de mucoviscidose. Le but est de déterminer s’il est possible, grâce à cette nouvelle méthodologie, de trouver une combinaison médicamenteuse spécifique à chaque patient. Les premiers résultats sont encourageants.
Naissance d’une start-up
Déjà une référence dans le domaine grâce à ses recherches menées depuis une dizaine d’années, le LSCB estime que cette avancée va ouvrir la voie à une utilisation plus large des organoïdes pour le développement de nouveaux médicaments et le diagnostic personnalisé. En outre, cela devrait contribuer à une diminution du nombre d’essais cliniques nécessaires. Deux des chercheuses de cette étude, Nathalie Brandenberg et Sylke Hoehnel, ont d’ailleurs créé une start-up, SUN bioscience, afin de commercialiser cette technologie.