«Les liens que vous construisez avec vos pairs sont essentiels»

Angela Steinauer - 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Angela Steinauer - 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Professeure de chimie à l’EPFL, Angela Steinauer raconte l’impact que le programme FLP pour les femmes en science a eu sur sa carrière. Les candidatures pour 2025 sont ouvertes.

«Foster. Lead. Promote.» est le nouveau nom du programme FLP, auparavant appelé «Fix the Leaky Pipeline». Depuis 2007, cette initiative commune aux institutions du Domaine des EPF a permis à des centaines de jeunes chercheuses de bénéficier de formations, de sessions de coaching et d’opportunités de réseautage. Angela Steinauer a suivi ce programme entre 2019 et 2021 alors qu’elle était postdoctorante à l’ETHZ. Elle a ensuite rejoint l’EPFL en 2022 en tant que professeure assistante tenure track et responsable du Laboratoire d’ingénierie biomoléculaire et de nanomédecine au sein de la Faculté des sciences de base.

«Lorsqu’il y a une masse critique de femmes, on ne ressent pas vraiment de désavantage. Mais dès que vous devenez minoritaire, et surtout après avoir eu des enfants, les défis supplémentaires auxquels les femmes sont confrontées deviennent évidents», explique Angela Steinauer.

Elle parle d’expérience. Lorsqu’elle était étudiante à l’Université de Zurich, plus de la moitié de ses camarades étaient des femmes. À l’époque, elle avait choisi la chimie avec l’intention de devenir enseignante au secondaire, car cela lui semblait être une matière passionnante à transmettre. Une décennie plus tard, en arrivant à l’EPFL, c’est en tant que jeune maman qu’elle a dû se confronter aux exigences du parcours vers la titularisation, et cela sans soutien familial à proximité.

Quand je suis revenue en Suisse, j’ai réalisé à quel point notre société est encore patriarcale.

Angela Steinauer

Ses années de doctorat à Yale, entre 2012 et 2018, ont été tout aussi révélatrices: «Aux États-Unis, il existe une forte tradition de groupes minoritaires auto-organisés, ce qui sensibilise davantage les gens aux différentes perspectives. Quand je suis revenue en Suisse, j’ai réalisé à quel point notre société est encore patriarcale, et j’ai ressenti un besoin encore plus fort de me connecter à des personnes partageant le même esprit. C’est aussi pour cette raison que le programme FLP a été si précieux.»

Coaching et réseautage

A travers ce programme, Angela Steinauer a suivi des sessions de coaching avec une ancienne chercheuse, aujourd’hui formatrice en développement académique - une personne qu’elle consulte encore aujourd’hui: «Sa grande expérience du monde universitaire a été d’une immense aide. Elle m’a à chaque fois donné des retours inestimables.»

Les participantes au groupe de coaching ont également représenté une ressource clé: «Nous pouvions partager nos défis et nos questions ouvertes. C’était éclairant d’entendre différents points de vue. Notre coach avait évidemment d’excellents conseils, mais nous avons aussi réalisé que nous pouvions nous organiser et nous soutenir mutuellement.»

Comme le souligne la scientifique, les relations sont essentielles au début d’une carrière académique: «Évidemment, les lettres de recommandation sont importantes, mais les liens que vous construisez avec vos pairs le sont tout autant, car vous les retrouverez plus tard, peut-être dans la même université, mais dans des programmes ou laboratoires différents.»

Et ce réseau reste incontournable aujourd’hui encore: «Par exemple, quand je reçois un dossier de candidature d’une personne provenant d’une université que je ne connais pas, je peux contacter d’autres participantes du programme et leur demander leur avis.»

Développement de compétences

Les formations en leadership et en intelligence émotionnelle ont également été très utiles, explique Angela Steinauer. Un cours avait notamment pour thématique l’importance de reconnaître ses propres besoins tout en restant attentive à ceux des autres: «C’est un aspect fondamental dans l’encadrement des étudiantes et étudiants. Quels sont mes besoins? Quels sont les leurs? Comment trouver l’équilibre et que pouvons-nous attendre les uns des autres? Diriger un groupe n’est pas simple. Les formations du programme FLP m’ont apporté des bases solides.»

Diriger un groupe n’est pas simple. Les formations du programme FLP m’ont apporté des bases solides.

Angela Steinauer

Du point de vue du leadership, le programme l’a justement aidée à se préparer à ses futures responsabilités: «Cela m’a beaucoup apporté de réfléchir à la création de mon propre groupe, définir mes attentes, mettre en place un cadre de travail, rédiger la politique du laboratoire, et établir comment nous voulons collaborer, parmi tant d’autres aspects», se souvient-elle.

Cette préparation s’est révélée essentielle pour les étapes suivantes: «Plus on avance dans la carrière académique, plus on fait face à des résistances, surtout en tant que femme, car on attend souvent que nous soyons conciliantes et bienveillantes. Lorsqu’une femme s’affirme, elle est souvent perçue comme agressive, alors qu’un homme dans la même posture sera vu comme un leader fort. Trouver le bon équilibre et se sentir à l’aise dans ce rôle n’est pas évident. En parler avec d’autres participantes du programme m’a offert des perspectives et un soutien vraiment inestimables.»

Plus on avance dans la carrière académique, plus on fait face à des résistances, surtout en tant que femme.

Angela Steinauer

Contre le syndrome de l'imposteur

Dans ce contexte, le programme Foster. Lead. Promote l’a aussi aidée à combattre le syndrome de l’imposteur: «C’est l’un des sujets principaux que nous avons abordés, et je pense que la plupart des gens y sont confrontés à un moment donné, pas seulement les femmes. Ce qui m’a vraiment aidée, c’est d’en parler ouvertement et de réaliser que même des collègues plus seniors ressentent parfois la même chose. J’ai aussi trouvé utile de documenter mes réalisations, comme une preuve concrète de mes progrès, et de pratiquer l’autocompassion en me traitant comme je traiterais une amie. Ce sentiment ne disparaît pas du jour au lendemain, cela demande du temps et une véritable réflexion sur soi.»

Son conseil aux jeunes chercheuses? «J’ai appris que les portes s'ouvrent. Restez attentives! Quand une occasion se présente, saisissez-la! Candidatez à cette bourse, soumettez votre projet de recherche, partez à l’étranger! C’est ainsi qu’on grandit. Et surtout dormez! Posez votre téléphone et reposez-vous quand c’est nécessaire.»

Pour en savoir plus sur le programme FLP pour doctorantes et postdoctorantes, et découvrir les témoignages de femmes professeures ou actives dans l’industrie, rejoignez l’événement de réseautage FLP qui aura lieu à Berne le lundi 10 février 2025. Inscriptions jusqu'au 6 février.


Auteur: Emmanuelle Marendaz Colle

Source: Bureau de l'Egalité

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