Les journaux gratuits informent de la même manière que les miroirs

Il semblerait que la presse gratuite trouve ses défenseurs sur notre campus, pourquoi pas!

Cependant, si le désir de s'informer sur des faitsfutiles (la vie des stars), sur les résultats sportifs ou sur des programmesciné est tout à fait louable, la position revendiquée de privilégier les faitspar rapport aux commentaires, et le dénigrement du métier de journaliste quecela sous-entend, me paraissent déjà bien plus inquiétants.

En effet, me conseillez-vous de lire le bottintéléphonique pour m'informer sur la population de mon pays, allez-vous medonner un diplôme de chimie parce que je sais par cœur la table des éléments,et serais-je une experte en environnement parce que je connais le nom latin detoutes les plantes?

Prétendez-vous que lire "Marins britanniques libérés",suivi d'une courte dépêche d'une agence de presse, va réellement me fairecomprendre les tensions et les jeux de pouvoir entre l'Iran et la communautéinternationale?

Traiter d'"intellos", sous-entendu péjoratif, despersonnes qui ne se contentent pas d'avaler une information brute, mais quis'intéressent également à son contexte et cherchent un décryptage, fut-ilcontraire à leurs propres opinions, me semble une dérive effrayante sur uncampus académique, dont la recherche est une mission.

Prôner la supériorité des faits sur les idées, de l'infoobjective (si tant est possible cette objectivité) sur l'analyse, voilà uneposition qui ne fait guère honneur à tout être pensant.

Je ne saurais que conseiller le visionnement del'excellent film "Good night, and Good Luck" à tous ceux qui croient quel'accumulation des données équivaut à la compréhension des faits.

G. Clooney: "Aujourd'hui, malgré la multiplication desmédias et des moyens d'information, nous sommes beaucoup moins bien informésqu'il y a seulement quinze ans. Trop souvent, l'information est devenue unbusiness, il n'est plus question de faire savoir, mais de vendre. Et puis lesgens ne lisent plus, ils n'écoutent plus. On les noie avec une telle massed'informations qu'il est devenu impossible de faire le tri. Comment faire ladifférence entre la pub, la propagande, la manipulation et l'information? Il ya tellement de canaux différents que chacun choisit celui qui lui ressemble,sans aller écouter ailleurs d'autres avis qui pourraient le faire réfléchir etpeut-être évoluer. On ne cherche plus le moyen de s'informer dans les médias,mais le moyen de conforter ce que nous croyons déjà. C'est une situationcritique.

http://www.americanrhetoric.com/MovieSpeeches/moviespeechgoodnightandgoodluckmurrow.html