Les hommes dominants prennent des décisions plus rapidement

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Les hommes qui expriment une domination sociale élevée prennent des décisions plus rapidement que les hommes à faible domination, même en dehors d’un contexte social. Tel est le constat d’une vaste étude comportementale de l’EPFL.

Les hiérarchies existent dans toutes les sociétés humaines et animales, organisées par ce que les scientifiques comportementalistes appellent la domination. Les individus dominants ont tendance à monter plus haut dans la hiérarchie de leur société particulière, bénéficiant ainsi d'un accès prioritaire aux ressources.

Mais la domination elle-même dépend en partie de la capacité à prendre des décisions plus rapidement que les autres. Cela permet à l’individu d’agir le premier dans des situations sociales, ce qui pourrait conférer un avantage évolutif. Cependant, les scientifiques comportementalistes ne savent pas si les individus dominants montrent aussi cette capacité à prendre rapidement des décisions en dehors d’un contexte social.

Les laboratoires de Carmen Sandi et Michael Herzog de l’EPFL ont récemment mené une vaste étude comportementale chez l’homme pour examiner cette question. L’étude montre une corrélation évidente entre une domination sociale plus élevée et une prise de décision plus rapide en dehors d’un contexte de concurrence sociale.

L’étude a porté sur 240 étudiants de sexe masculin de l’EPFL et de l’Université de Lausanne (UNIL). Les hommes ont été classés en groupes de domination élevée ou faible à l’aide d’un questionnaire standard d’«évaluation de la domination» qui a été validé par de nombreuses études antérieures. La vitesse de prise de décision a été mesurée à l’aide de cinq expériences («tâches») testant la mémoire des participants, leur capacité d'identification, leur faculté à distinguer des émotions, à apprendre un trajet, et leur réactivité.

La première tâche a consisté à faire la distinction entre les émotions qu’ils voyaient sur différentes photos de visages. Ils sont ensuite passés à une tâche où ils devaient mémoriser puis reconnaître une série de visages. Lors de la troisième expérience, les participants ont dû apprendre un trajet et s’en rappeler. Lors de la quatrième, une expérience de contrôle, il a été demandé aux participants d’appuyer sur la barre d’espace d'un clavier dès qu’ils voyaient un carré gris apparaître à l’écran. Pour cette partie de l’étude, aucun des deux groupes n’a semblé être plus rapide que l’autre.

Les scientifiques ont ensuite effectué une cinquième expérience pour identifier les signaux neuronaux susceptibles de montrer des différences de rapidité de réaction entre les participants à domination élevée et faible. Pour ce faire, les chercheurs ont mesuré les signaux cérébraux à l'aide un électroencéphalogramme (EEG) à haute densité. Il a été demandé aux participants de faire la distinction entre des visages heureux et tristes, puis entre des visages fâchés et neutres, pendant que l’EEG mesurait l’évolution du signal électrique de leur cerveau en fonction de la vitesse d’exécution de chaque tâche.

Cette partie de l’étude a montré que la plus grande rapidité à réagir des hommes à domination élevée s’accompagnait d’une amplification frappante du signal cérébral, environ 240 millisecondes après avoir vu les visages. De plus, lorsque les chercheurs ont analysé les images de l’EEG des participants à domination élevée, ils ont identifié une activité plus forte dans les zones du cerveau associées aux émotions et au comportement, comparativement aux participants à faible domination.

L’étude suggère que les hommes fortement dominants réagissent plus rapidement dans les situations où un choix est nécessaire, indépendamment du contexte social. Cette rapidité dans la prise de décision peut agir comme un «biomarqueur» pour la disposition sociale.

«A l’avenir, il sera important de savoir si des signaux cérébraux encore plus forts sont observés chez des individus particulièrement dominants, tels que les chefs d’entreprises», explique Carmen Sandi. «Il sera également utile de déterminer si ces différences de rapidité de réponse et de signaux cérébraux sont également observées chez les femmes selon leur degré de domination et si elles sont déjà présentes chez l’enfant. Nos résultats vont potentiellement ouvrir la voie d'une nouvelle approche de recherche utilisant les signatures EEG comme mesure de la domination sociale.»

Autres contributeurs

Université de Lisbonne

Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique (PRN SYNAPSY)

Oak Foundation

EU FP7 (MATRICS)

EPFL

FCT au Portugal

Références

Janir R. da Cruz, João Rodrigues, John C. Thoresen, Vitaly Chicherov, Patrícia Figueiredo, Michael H. Herzog, Carmen Sandi. Les hommes dominants sont plus rapides dans les situations de prise de décision et présentent un signal neuronal distinctif de la rapidité. Cerebral Cortex, 15 août 2018. DOI: 10.1093/cercor/bhy195