Les grands arbres sont essentiels à la survie de la forêt d'Amazonie
Une étude de l’EPFL montre que, dans la forêt amazonienne, les arbres de plus de 30 mètres résistent mieux aux variations de précipitations que les autres. Une donnée capitale pour mieux prédire le comportement de cet important acteur du cycle du carbone face au changement climatique.
Francesco Giardina s’est intéressé au futur de la forêt d’Amazonie dans le cadre de son projet de master à l’EPFL, en sciences et ingénierie de l’environnement. Sa recherche a permis d’établir que les arbres de plus de 30 mètres étaient jusqu’à trois fois moins sensibles aux variations de précipitations que ceux de moins de 20 mètres.
Ces arbres, plus anciens, présentent également une biomasse plus importante. Enfin, ils puisent plus profondément dans les sols leurs nutriments grâce à la longueur de leurs racines, ce qui les rend plus résistants à la sécheresse. Le projet, piloté par le professeur Fernando Porté-Agel, directeur du Laboratoire d'ingénierie éolienne et d'énergie renouvelable (WIRE), et mené avec l’Université de Columbia, vient de paraître dans la dernière édition de Nature Geoscience.
Puits de carbone
La capacité de résistance de la forêt amazonienne face au changement climatique intéresse les scientifiques du monde entier. Sans que l’on ne parvienne toutefois à la prédire ou à la comprendre précisément. Cet immense territoire de 5,5 millions de km² représente en effet le plus grand puits de carbone au monde et joue pour cette raison un rôle-clé dans la régulation du climat.
Dans un futur proche, les chercheurs savent que la forêt amazonienne présentera des zones plus sèches qu’aujourd’hui et d’autres, plus humides, et ce, de manière aléatoire, d’une année à l’autre. De graves sécheresses ont déjà sévi ces dernières années, entraînant la mort de nombreux arbres et affectant la capacité de la forêt amazonienne à absorber du carbone.
L’étude de l’EPFL éclaircit donc une partie du problème en montrant que la préservation des grands arbres permet à cette forêt tropicale de mieux résister au stress hydrique et aux sècheresses ainsi qu’à toute future variation liée au changement climatique. Une manière de rappeler que la poursuite de sa déforestation aura comme conséquence de davantage la fragiliser.
Physiologie des arbres
Pour développer son modèle, Francesco Giardina a allié les précipitations moyennes au sol et la variabilité de l’humidité de l’air, deux données atmosphériques traditionnelles, à une carte montrant toutes les hauteurs d’arbres de la forêt d’Amazonie, allant de 10 à 100 mètres, et des données sur leur fluorescence, dérivée de la photosynthèse.
La fluorescence se calcule par télédétection grâce aux rayons du soleil que les arbres rejettent sous une autre fréquence dans l’atmosphère. Cette approche a également révélé que les grands arbres étaient plus sensibles à la sécheresse de l’air que les arbres de moins de 20 mètres.
«Notre publication souligne l’importance de prendre en compte dans les modèles climatiques la physiologie des arbres – soit calculer leur taille, leur âge, leur comportement et leur biomasse – lorsque l’on cherche à effectuer des prévisions sur le comportement futur de la forêt amazonienne. Les modèles purement atmosphériques utilisés jusqu’ici ne suffisent pas», explique Francesco Giardina, premier auteur de l’étude.
Cette modification méthodologique devrait ainsi apporter plus de précisions aux prévisions des chercheurs et pourrait être utilisée pour prédire le comportement d’autres importantes forêts tropicales du globe, à l’instar de celles d’Indonésie et du Congo.