Les données de santé constituent une ressource inexploitée

Les données de santé pourraient être utilisées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été collectées. © iStock

Les données de santé pourraient être utilisées à d'autres fins que celles pour lesquelles elles ont été collectées. © iStock

Un rapport du Center for Digital Trust de l'EPFL plaide pour une stratégie coordonnée pour exploiter de manière significative et responsable les avantages de l’utilisation secondaire des données de santé en Suisse.

En Suisse, l'utilisation secondaire des données de santé, c'est-à-dire la réutilisation des données de santé à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été initialement collectées, piétine. Malgré une demande croissante de la société et des avantages évidents pour la santé publique, la recherche et l'innovation, il n’existe pas de coordination politique et d’engagement institutionnel pour favoriser cette utilisation secondaire. Les responsabilités sont fragmentées entre les autorités fédérales et cantonales, les exigences juridiques et éthiques sont perçues comme complexes et redondantes, et une culture d'aversion au risque limite le partage des données de santé à des fins secondaires. Le Center for Digital Trust (C4DT) de l'EPFL vient de publier un document visant à remédier à cet immobilisme.

Les avantages sociétaux et sanitaires de l'utilisation secondaire des données de santé sont largement reconnus. Cependant, les parties prenantes sont prises dans un cercle vicieux où les données ne sont pas partagées en raison des risques perçus, ce qui ne permet pas d'obtenir des avantages mesurables et décourage encore davantage toute action. Cette boucle de rétroaction négative renforce l'inaction et l'hésitation des institutions à mettre les données de santé à disposition pour une utilisation secondaire en dehors de leurs murs. Elles hésitent quant à la manière de se conformer aux normes juridiques et éthiques en constante évolution, notamment en fournissant des garanties techniques pour la confidentialité et la sécurité des données, sans risquer de nuire à leur réputation. Il manque un alignement et un soutien politiques pour leur permettre de partager ces données de manière responsable et tirer parti des avantages individuels et sociétaux de leur utilisation secondaire.

Le rapport estime qu’il faudrait mettre l'accent sur l'établissement d'une vision commune, de politiques claires intégrant l'utilisation des données de santé aux réglementations en matière de protection des données, et de mesures incitatives pour encourager le partage des données. Cela nécessiterait des mesures pratiques pour harmoniser les politiques institutionnelles de partage des données, ainsi qu'un soutien opérationnel pour garantir leur mise en œuvre responsable et bénéfique.

Pourquoi est-ce important ?

La Suisse doit favoriser l'utilisation secondaire des données de santé pour maintenir la qualité, la durabilité et la capacité d'innovation de son système de santé. Sans une stratégie coordonnée qui soutient la coordination politique et l'engagement institutionnel, les efforts nationaux plus larges en faveur du partage des données de santé resteront vains. Cela aura des conséquences importantes pour le système de santé suisse.

Tout retard dans l'accès aux données de santé à des fins secondaires aggravera la pression financière sur le système de santé suisse, déjà coûteux, qui continue de faire face à une augmentation des coûts et impose un fardeau de plus en plus lourd aux ménages. Sans un accès national étendu aux données de santé à des fins secondaires, la Suisse risque de prendre du retard en matière d'innovation dans le domaine des soins de santé, de perdre du terrain par rapport à d'autres pays et de voir des recherches et des essais cliniques essentiels se déplacer à l'étranger. Les institutions, en tant que fournisseurs de données, sont au centre de l'utilisation secondaire, car celle-ci dépend presque entièrement des données dont elles sont responsables. Cependant, sans avantages clairs et sans soutien ciblé pour le partage responsable des données de santé et leur utilisation secondaire, les institutions continueront à être confrontées à un problème de devoir faire le premier pas.

Six recommandations
Le document, rédigé par Paola Daniore, scientifique au C4DT, formule six recommandations pour aider les institutions à mettre à disposition de manière responsable les données de santé à des fins d'utilisation secondaire.
- Une vision commune pour l'utilisation secondaire des données de santé
- Communiquer les avantages de l'utilisation secondaire des données de santé
- Fournir des incitations (ou des dissuasions) financières
- Exploiter et alimenter les registres de métadonnées existants
- Fournir des lignes directrices pour l'évaluation des risques institutionnels
- Fusionner l'utilisation des données de santé avec leur protection dans les réglementations

Références

Closing the benefit-risk loop: Realizing the value of secondary use of health data in Switzerland, Dr Paola Daniore, C4DT Insight #4 | September 2025


Auteur: Center for Digital Trust

Source: EPFL