Les Culturelles donnent à entendre des textes de fiction
Le 22 mai, les textes de fiction rédigés par les participant·es à l'atelier d'écriture créative du CDH-Culture 2023 seront lus à voix haute par des comédien·nes du Pôle d'Expression Théâtrale (PET). Cet événement public fait partie du festival Les Culturelles, gratuit et ouvert au public du 15 au 22 mai.
Internationalement reconnue pour ses formations en ingénierie, en mathématiques et en sciences fondamentales, l'EPFL n'est pas nécessairement considérée comme un lieu propice à l'écriture créative. Cependant, depuis 2021, lorsque Véronique Mauron Layaz, responsable du CDH-Culture, a commencé à organiser l'atelier d'écriture de fiction, les étudiant·es de toutes les disciplines ont eu la possibilité d’exercer leur pratique avec des écrivain·es professionnel·les.
« À l'EPFL, l'écriture n'est pas un domaine très soutenu, hormis bien sûr l'écriture scientifique qui obéit à des règles strictes et souvent formatées », déclare Véronique Mauron Layaz. « Proposer un atelier d'écriture de fiction permet de libérer l'imagination, de tenter d'autres moyens d'expression, de trouver une langue différente. C'est une exploration. »
Le workshop se conclut par une lecture publique des textes de fiction par quatre comédien·nes du Pôle d'Expression Théâtrale (PET) de l'EPFL : Selena Comelli, Océane Lüthi, Chloé Manz et Thibault Rieben.
Une curiosité mutuelle
Elisa Shua Dusapin, auteure franco-coréenne-suisse qui a remporté de nombreux prix, dont le Prix de littérature suisse pour son livre "Les Billes du Pachinko" et le National Book Award pour la traduction anglaise de son livre "Hiver à Sokcho", enseigne dans cet atelier depuis sa première édition. Pour elle, l'attrait était de travailler avec des étudiant·es qui n'ont pas beaucoup d'expérience littéraire et qui évoluent dans les sciences.
« Pour moi, c'était vraiment la curiosité de travailler avec des étudiants ou des personnes qui, a priori, n'ont pas un lien direct avec la littérature », explique Elisa Shua Dusapin. « Je n'ai jamais spécifiquement voulu devenir écrivaine. J'ai longtemps voulu devenir scientifique, biologiste, éthologue ou travailler dans la médecine, par exemple. Si j'avais été meilleure en mathématiques, j'aurais probablement choisi cette voie. Mais je garde vraiment une fascination pour le domaine des sciences. »
Thibault Rieben, étudiant Master en mathématiques à l'EPFL, a entendu parler de l'atelier grâce à sa participation à d'autres événements du CDH-Culture et a trouvé intrigante l’idée d’apprendre à écrire avec des professionnels. Il a tellement apprécié l’atelier qu’il y participe pour la troisième année consécutive.
La structure de l'atelier est unique. Cinq auteur·trices - Elisa Shua Dusapin, Blaise Hofmann, Max Lobe, Fabienne Radi et Anne-Sophie Subilia - tous issus de cultures différentes, de différents âges, reconnus dans le monde littéraire suisse et dont les œuvres traitent de questions liées à l'écologie, la sociologie, l'imagination, les origines, l'identité, le voyage, entre autres sujets, ont été choisis par Véronique Mauron Layaz pour diriger l'atelier. Au début, ils sont présentés aux étudiants, qui choisissent l'écrivain avec qui ils aimeraient travailler. Ensuite, les participant·es envoient un court texte à leur mentor avant de se rencontrer individuellement pour recevoir des commentaires. Un second atelier permet d’approfondir certaines questions stylistiques. Une lecture finale publique est ensuite proposée par les comédien·nes du PET.
L'atelier est construit autour du THÉMA annuel choisi par la journaliste du CDH, Anne Laure Gannac, qui est un thème général autour duquel de nombreux projets du CDH, tells des podcasts, des conférences et cet atelier, sont développés. Le THÉMA de cette année est l'énergie, et les étudiant·es de l'atelier ont écrit en interprétant le thème. Par exemple, un étudiant a imaginé une EPFL légèrement différente, où la lettre "L" signifie "lapin", et a créé une EPFL peuplée d'étudiants et de professeurs lapins. Les écrits issus de ces ateliers couvrent un large éventail de sujets, tels que l'avenir de la planète ou la façon de faire face à des problèmes d'épuisement, mais aussi insistent sur l’énergie comme force créatrice qui anime chacun.
« Un avantage avec les étudiants de l'EPFL est qu'ils sont généralement très ouverts aux critiques, aux remarques, très à l'écoute, très humbles et en même temps, très sérieux dans leur travail », ajoute Elisa Shua Dusapin.
« Prenant le temps de créer quelque chose »
La plupart des étudiant·es de l'EPFL n'ont jamais écrit de fiction auparavant, ou peut-être qu'ils·elles écrivent depuis longtemps mais en secret. Selon Elisa Shua Dusapin, « Souvent, c'est la première fois qu'ils montrent quelque chose, et je les trouve très courageux ».
Thibault Rieben, qui n'écrit pas beaucoup habituellement, apprécie le fait que l'atelier lui donne un cadre pour écrire. Il affirme que les délais sont à la fois la meilleure partie et la plus difficile de l'expérience.
« J'aime écrire, mais si je n'ai pas de structure, je ne le fais pas forcément », dit-il.
Il n'est toujours pas sûr de ce qu'il va faire après l'obtention de son diplôme : rechercher un emploi en tant que professeur de mathématiques dans un lycée ou travailler dans le domaine du théâtre ou peut-être encore autre chose. Quoi qu'il en soit, il a trouvé les conseils de son mentor, l'écrivain Max Lobe, utiles dans sa vie.
« Pour écrire un texte, il faut prendre le temps, il faut imaginer les choses, il faut vivre les choses », explique Thibault Rieben. « On passe beaucoup de temps à réfléchir plutôt qu'à écrire. D'un point de vue philosophique, ce qui est intéressant dans l'écriture, c'est de prendre le temps de créer quelque chose ».
« Un échange humain »
Véronique Mauron Layaz a créé cet atelier au plus fort de la pandémie de Covid, dans le but de rassembler les gens. « Le campus était vide et les cours étaient dispensés par visioconférence. Malgré cela, je voulais proposer un événement artistique participatif pour permettre aux étudiants et aux écrivains de se rencontrer, même à distance », explique-t-elle.
Son idée a fonctionné. Pour Thibault Rieben, les ateliers ont été l'occasion de rencontrer d'autres personnes créatives avec lesquelles il a depuis collaboré sur d'autres projets artistiques. Il apprécie particulièrement la lecture publique des textes, où il rencontre les autres participant·es et entend les textes lus à haute voix.
« La lecture à voix haute des textes littéraires permet d'entendre une interprétation du texte qui peut surprendre l'auteur, mais surtout qui révèle sa polysémie », déclare Véronique Mauron Layaz. « Pour le CDH-Culture, il est également important de collaborer avec des associations actives sur le campus. C'est le cas du Pôle d'Expression Théâtrale (PET) de l'EPFL ».
Elisa Shua Dusapin apprécie également le lien qu'elle crée avec les étudiant·es lors des ateliers. Elle vient de terminer l'écriture de son prochain roman, qui sortira en août, et explique que l'écriture peut être une activité très solitaire. Elle estime que les ateliers l'aident à devenir une meilleure écrivaine.
« Chaque fois que j'ai un atelier avec des étudiants, je suis moi-même confrontée à mes propres questions, car tout ce que je leur dis sur leurs textes, je me le dis aussi pour mes propres textes : le rythme, la structure, le point de vue narratif, l'efficacité, la pertinence éventuelle de certains sujets, la forme. Ce sont vraiment des choses universelles », dit-elle.
« Dans ces moments-là, j'ai l'impression de revenir vraiment à la réalité du métier d'écrivaine, au concret, à l'artisanat, et c'est nécessaire pour moi. Cela me nourrit d'avoir ces échanges humains ».
Traduit de l'anglais