«Les backgrounds variés des étudiant·es servent au collectif»
Julia Schmale est aussi à l’aise dans un auditoire de l’EPFL que sur un brise-glace dans le Grand Nord. Le travail de cette chercheuse-aventurière se nourrit des compétences spécifiques de ses étudiantes et étudiants.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Julia Schmale est habituée aux environnements extrêmes. «Les salles de cours de l’EPFL n’en font pas partie», rassure en riant celle qui a été désignée meilleure enseignante 2023 de la section sciences et ingénierie de l’environnement. «Les chaises du premier rang sont toujours occupées», constate avec plaisir la professeure assistante tenure-track, responsable du Laboratoire de recherches en environnements extrêmes (EERL).
Très jeune déjà, la spécialiste de la chimie de l’atmosphère s’est intéressée à la nature et à la durabilité. «Enfant, je passais beaucoup de temps dehors; l’introduction du tri des déchets dans les années 1990 m’a rendue attentive à la nécessité de protéger l’environnement proactivement.» Bien avant de quitter les bancs de l’école obligatoire, Julia Schmale en est convaincue: elle apportera sa contribution à l’effort collectif pour lutter contre le réchauffement climatique.
À l’inverse, l’enseignement (au sens strict du terme) n’a fait irruption dans la vie de la chercheuse-aventurière que récemment, au printemps 2021. De là à dire que celle qui a grandi dans le nord-ouest de l’Allemagne ne s’était jusque-là jamais investie dans le domaine de l’éducation, il y a un pas qu’il ne faudrait pas franchir. «Durant mon postdoc, je me suis engagée activement auprès d’ONG et de décideurs; je faisais le lien entre la recherche et la mise en pratique sur le terrain.» S’extirper du cocon des «pairs», créer le dialogue avec d’autres parties prenantes et apprendre le plus possible de ces échanges: «J’ai trouvé cela très intéressant et désormais, c’est à nouveau possible avec les étudiantes et les étudiants.»
Un rapport d’égal à égal
Cette amatrice de régions polaires, qui a participé en 2020 à la mission de recherche internationale MOSAiC – visant à monitorer l’évolution des phénomènes climatiques durant une année entière dans le Grand Nord – précise: «Les jeunes femmes et hommes qui assistent à mes cours amènent des backgrounds très variés – biologie, chimie, ingénierie, économie, etc. – que j’essaie de mettre au service du collectif.» Selon les phases du cycle d’enseignement, certains d’entre eux peuvent être amenés à prendre le lead à tour de rôle. «Nous passons aussi beaucoup de temps à discuter ensemble de thèmes liés à l’environnement, notamment les négociations internationales sur le climat.» C’est cette collégialité, le fait qu’un rapport d’égal à égal prévaut dans l’auditoire, que Julia Schmale apprécie tout particulièrement. Et que, si l’on en croit leur évaluation positive des cours, les étudiantes et étudiants apprécient tout autant.
«Lorsqu’on a investi des années et des années dans sa propre formation, il est à la fois normal et gratifiant de transmettre à son tour des connaissances», commente la professeure. «Et puis c’est donnant-donnant: les questions de mes étudiants, qui sont généralement aussi pointues qu’inspirantes, nourrissent mes recherches, tout comme leurs travaux pratiques.»
Soucieuse de répondre aux attentes des étudiants – tout en exploitant au maximum leurs compétences – Julia Schmale n’hésite pas à adapter son cours chaque année, en fonction de l’auditoire. «En tout début de semestre, j’organise un sondage afin de bien comprendre où en sont les jeunes; si l’enseignement colle parfaitement avec le niveau de la classe, il est possible d’aller beaucoup plus au fond de la matière, de façon ciblée.» Elle l’avoue, cette manière de procéder demande de sa part un investissement en temps considérable. «Mais c’est beaucoup plus intéressant! Et de toute façon, lorsqu’on travaille dans le domaine du climat, on n’est pas habitué à se reposer sur ses lauriers, car tout est en perpétuel changement.»
Gants épais et matériel léger
Qu’on se le tienne pour dit: les plaisirs de la routine, la chercheuse y goûtera à l’âge de la retraite… ou dans une autre vie. En octobre 2023, Julia Schmale et son équipe se sont lancés dans une recherche de 5 ans portant sur l’Antarctique. «Parallèlement, nous poursuivons nos mesures dans l’Arctique; il sera très intéressant de pouvoir comparer les deux.» Passionnantes, ces recherches présentent néanmoins de nombreux défis. «En ce qui me concerne à titre personnel, le principal d’entre eux est de trouver le temps d’aller sur le terrain; actuellement, il n’est pas réaliste de le faire chaque année.»
Qui dit travail en environnements extrêmes dit besoin de solutions adaptées aux spécificités de ces environnements. Que ce soit au niveau de la recherche elle-même – «nos recherches sur les aérosols sont principalement menées de manière expérimentale, et sur site» - ou de la logistique. «Chaque projet nécessite l’élaboration de solutions pratiques, par exemple pour répondre à la nécessité de disposer de matériel léger et petit, que l’on puisse utiliser avec des gants épais; il faut vraiment se montrer créatif!» Heureusement, l’EPFL est un vivier de compétences diverses et complémentaires, auquel la chercheuse n’hésite pas à faire appel. Notamment en incluant des étudiantes et étudiants issus d’autres sections, comme les sciences des matériaux ou la micro-ingénierie, qui viennent mener leurs projets de semestre dans son laboratoire.