Le travail flexible a le pouvoir de changer nos villes

Andrew Sonta est professeur assistant tenure track au Smart Living Lab à Fribourg.© 2023 EPFL

Andrew Sonta est professeur assistant tenure track au Smart Living Lab à Fribourg.© 2023 EPFL

Dans cette chronique, parue dans trois quotidiens romands, Andrew Sonta, ingénieur et professeur assistant tenure track au Smart Living Lab, explique comment l'évolution des comportements a remis en question la valeur de l’espace du bureau physique et complique leur exploitation. 

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère d’exploitation des bâtiments et de manière de travailler. Une enquête récente menée auprès de travailleuses et travailleurs qualifiés aux États-Unis et en Australie a révélé que 43% d’entre eux privilégiaient le format hybride en 2022, contre 35% le bureau et 22% le télétravail. Selon les spécialistes, ces tendances ont entraîné une stagnation du taux d’occupation des bureaux à 50% par rapport aux niveaux d’avant la pandémie aux États-Unis (57% en Europe). Cette évolution des comportements a remis en question la valeur de l’espace du bureau physique et complique leur exploitation.

Optimiser les bâtiments
En travaillant davantage à domicile, nous pouvons optimiser l’espace et l’énergie de nos immeubles administratifs. Il faut, pour cela, déployer de nouvelles technologies afin de chauffer, refroidir, ventiler et éclairer uniquement les espaces nécessaires. Mais si l’exploitation flexible des bâtiments est bénéfique pour l’environnement, passer moins de temps au bureau n’est pas sans risques. Malgré les avantages du télétravail, telles que la flexibilité et la satisfaction professionnelle, les recherches ont montré que l’interaction physique reste la pierre angulaire d’un travail efficace, notamment en matière de créativité, d’innovation et de climat de confiance. Dans les formats hybrides, tirer parti de ces avantages peut s’avérer difficile. Si je choisis d’aller au bureau, aurai-je cet échange près de la machine à café d’où jaillira une idée créative? Le recours à des stratégies de détection modernes basées sur des données liées à l’usage du bâtiment est une voie à suivre, comme le montrent nos récentes recherches. Au final, il sera essentiel d’optimiser nos bâtiments et nos comportements pour économiser l’espace et l’énergie et promouvoir l’objectif principal: soutenir celles et ceux qui utilisent ces locaux.


Limiter l’étalement urbain
Une meilleure utilisation des bureaux peut également libérer des biens immobiliers à d’autres fins utiles. Alors que de nombreuses villes d’Europe et d’ailleurs font face à une pénurie d’habitations, la conversion d’espaces administratifs en logements pourrait contribuer à remédier à ce manque tout en limitant l’étalement urbain. Cela signifie également que nous pouvons augmenter la diversité d’occupation du territoire dans nos centres urbains avec de nombreux avantages à la clé. Cette diversité d’utilisation est en effet positivement associée à la cohésion sociale. Elle encourage en outre la marche, car les déplacements de la vie quotidienne se feront plus facilement à pied.

Au bout du compte, il est important de rechercher des solutions qui prennent en compte et améliorent nos objectifs sociaux et environnementaux. Notre nouvelle manière de travailler a le pouvoir de changer nos villes. Il nous appartient de décider si c’est pour le meilleur ou pour le pire.

Andrew Sonta, professeur assistant tenure track, responsable du Laboratoire d’ingénierie civile et de technologie pour la durabilité orientée sur l’humain (ETHOS), Smart Living Lab, EPFL Fribourg.

  • Cette chronique est parue en mai 2023 dans les quotidiens La Côte (Vaud), Le Nouvelliste (Valais) et Arcinfo (Neuchâtel), dans le cadre d'un partenariat avec le groupe de presse ESH Médias visant à faire connaître la recherche et l'innovation de l'EPFL dans le secteur de la construction auprès du grand public.