«Le tableau noir et la craie ont de beaux jours devant eux!»

Damir Filipović, meilleur enseignant 2024 de la section d’ingénierie financière de l’EPFL. 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Damir Filipović, meilleur enseignant 2024 de la section d’ingénierie financière de l’EPFL. 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Damir Filipović aurait pu faire carrière dans les mathématiques pures. C’est vers le monde agité de la finance quantitative que le cœur du meilleur enseignant 2024 de la section d’ingénierie financière de l’EPFL a fini par pencher.

Il faut avoir le cœur bien accroché pour évoluer dans le monde de l’ingénierie financière, ponctuellement secoué par une onde de choc. Ce fut le cas à la fin des années 2000, lorsque la chute de la banque Lehman Brothers entraîna une crise mondiale. Et que, dans la foulée, le Conseil fédéral se vit obligé d’apporter son soutien à UBS. «Ces événements ont littéralement pris les acteurs du domaine par surprise», se souvient Damir Filipović. Pas de quoi décourager celui qui a été désigné meilleur enseignant 2024 de la section d’ingénierie financière de l’EPFL. Au contraire, «ce genre de crise montre à quel point il est important de créer des modèles et des outils permettant de se prémunir contre les risques.»

Le professeur en charge de la Chaire Swissquote en finance quantitative aurait pu faire carrière dans les mathématiques pures, une branche avec laquelle il a eu des affinités – et dans laquelle il a eu de la facilité - dès l’école obligatoire. Une fois son diplôme de mathématiques (décroché à l’ETH Zurich au milieu des années 1990) en poche, le jeune homme a cependant réalisé qu’il lui manquait «un côté appliqué». Le destin lui tend alors une perche, sous la forme de la création – toujours à l’ETH Zurich - d’un programme de mathématique financière. «J’en ai été le tout premier doctorant.»

Les années passées sur sa thèse correspondent à la montée en puissance des technologies – et de la finance - quantitatives à travers le monde. «C’était une vraie ‘hype’ à l’époque, un peu à l’image de l’intelligence artificielle actuellement.» D’effet de mode, les mathématiques quantitatives vont néanmoins se transformer quelques années plus tard en pilier pour développer des outils permettant de faire face aux effets dévastateurs de la crise financière précédemment évoquée. Quant à Damir Filipović, il est invité à présenter ses modèles d’analyse du risque et de tests de solvabilité dans plusieurs établissements financiers. «Le côté appliqué que je cherchais était donc bien présent.»

Académicien un jour, académicien toujours

La suite logique n’aurait-elle pas été de passer de l’autre côté de la barrière et d’aller travailler sur le terrain, dans l’industrie financière? Visiblement pas, puisque le professeur d’ingénierie financière a consacré ses quelque trente ans de carrière à la recherche et à l’enseignement. A l’exception près de 2 années passés à la FINMA (l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers), il a été rigoureusement fidèle au monde académique, occupant successivement des postes dans les Universités de Princeton, Munich et Vienne, avant de rejoindre l’EPFL en 2010.

«Je suis à l’aise aussi bien dans l’industrie que dans l’académie; mais c’est dans cette dernière que je me sens vraiment à la maison», commente-t-il. «Travailler à l’EPFL est une chance: ici, on nous encourage à œuvrer au transfert du savoir sur le terrain, ce qui me permet de faire le lien entre les deux mondes.»

Le savoir, Damir Filipović est bien sûr aussi chargé de le transférer aux étudiantes et étudiants de la haute école. «Je me considère comme un enseignant assez traditionnel; même si c’est désormais un beamer qui figure au centre de ma salle de cours, le tableau noir et la craie ont encore de beaux jours devant eux!» Il ajoute en riant: «Je suis conscient du fait que je parle comme un vieux mathématicien; il faut croire qu’on ne change pas si facilement sa nature et ses racines…»

Équilibre délicat

Le professeur ne tarit pas d’éloges sur ses étudiantes et étudiants, qui sont «tout simplement super». Seul bémol? «Depuis la pandémie de Covid-19, le présentéisme a fortement baissé», ce qui a un impact sur les cours. «En soi, cela ne change rien à l’enseignement; par contre, je dois faire face en aval à un nombre croissant de questions, qu’il aurait été plus rapide et efficace de traiter directement en plénum.»

Parmi les autres évolutions qui ont une incidence sur l’enseignement de Damir Filipović – tout comme sur celui de bon nombre de ses collègues - figure la montée en puissance de l’intelligence artificielle. «Les modèles traditionnels utilisés dans le monde de la finance quantitative sont défiés par le machine learning.» Durant les cours d’ingénierie financière, il faut donc parvenir à trouver le bon équilibre entre la théorie de base, développée entre les années 1980 et 2000 et «qui est toujours pertinente», et les nouvelles possibilités offertes par l’IA, qui reposent notamment sur le traitement de données à grande échelle. «Plus que jamais, il s’agit donc de veiller à ce que les étudiantes et étudiants qui ont un peu moins de facilité ne se retrouvent pas largués face à ce flot d’informations!»


Auteur: Patricia Michaud

Source: Management de la technologie | CDM

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