Le Swiss Plasma Center renforce la sécurité du Tokamak
C’est une première mondiale. Après sept mois de travaux, plus de 220 tonnes de polyéthylène haute densité ont métamorphosé le blindage entourant le Tokamak à configuration variable. Jamais une telle quantité de ce matériau n’a été utilisé à une si grande échelle. Le but: protéger le public des radiations ionisantes depuis l’amélioration récente des performances de TCV. Cette entreprise complexe, fruit d'une collaboration avec la vice-présidence opérationnelle de l’EPFL, s’est achevée avec succès en août 2023. Elle promet de propulser les recherches sur la fusion vers de nouveaux sommets.
Depuis ses débuts en 1992, le Tokamak à Configuration Variable (TCV) était entouré de murs de blocs en béton baryte de 50 cm d'épaisseur pour arrêter les neutrons et les photons. Grâce à sa conception unique, comprenant une chambre à vide très allongée, sa configuration de bobines magnétiques et un chauffage par micro-ondes, le TCV a permis de réaliser des avancées significatives dans la recherche sur les plasmas en vue de la création d'un réacteur de fusion. Pour aller plus loin dans l'exploration des plasmas chauds, le TCV a été récemment équipé de deux systèmes de chauffage par faisceau neutre de 1 MW chacun, augmentant la production de neutrons à l'intérieur du réacteur. Cette modification a nécessité un blindage supplémentaire de la paroi de la salle autour du tokamak, afin d’assurer la sécurité des zones ouvertes au public contre les radiations ionisantes, conformément aux normes de l'Office fédéral de la santé publique.
Le polyéthylène haute densité, léger et efficace
Une collaboration avec l'Institut Jozef Stefan à Ljubljana a permis de modéliser le transport des neutrons et des rayons gamma, conduisant à un nouveau design incluant l'augmentation de l'épaisseur des murs existants, l'ajout d'un toit et l'installation de portes. Habituellement, le béton est utilisé pour le blindage neutronique, mais les fondations du bâtiment du TCV ne pouvaient pas supporter les trois ajouts s'ils étaient en béton. La solution? Le recours au polyéthylène haute densité. Bien que différents matériaux aient été évalués, il est apparu clairement que l'utilisation du polyéthylène pour le blindage supplémentaire était la solution préférée à la fois en raison de sa forte teneur en atomes d'hydrogène et de sa faible densité d'environ 1 kg/l. En effet, une plaque de polyéthylène de 20 cm d'épaisseur a un pouvoir modérateur similaire à 50 cm de béton pour un poids 8,7 fois moindre. Le polyéthylène a donc été choisi comme principal modérateur neutronique. En tout, 220 tonnes de ce matériau ont été installées en seulement 7 mois d’ouvrage. C’est la première fois qu’une telle quantité de polyéthylène a été utilisé à une si grande échelle!
Une collaboration extrêmement fructueuse
La complexité des travaux, lancé en collaboration avec la Vice présidence opérationnelle (VPO) de l’EPFL, ont exigé une minutieuse planification débutée en 2020. La VPO a pris en charge la gestion du projet alors que le SPC s’est concentré sur l'aspect scientifique. Cette association s'est révélée essentielle pour le succès du projet. Techniquement, le nouveau blindage est constitué de blocs de béton recyclés sur les trois premiers mètres des murs existants de la salle du tokamak, de plaques de PE de 20 cm d'épaisseur sur les autres murs en béton de 50 cm, d'un toit démontable en PE de 35 cm, d'une ceinture de béton entourant le toit et de portes en PE boré d'une épaisseur de 35 cm. Après l’achèvement des travaux en août 2023, une campagne de mesures de doses sur dix points de référence a été menée le mois suivant. Elle a démontré que ce nouveau blindage est un succès complet. Les mesures expérimentales sont conformes aux prédictions du modèle dans un facteur de 2 et une atténuation des neutrons supérieure à 1000 a été mesurée dans la salle de contrôle du TCV.
Sécurité globale
Enfin, en plus du blindage, l'occasion a été saisie pour moderniser le bâtiment abritant le TCV: l'ensemble du système d'éclairage fonctionne désormais avec des LED, trois monoblocs et d'autres systèmes de ventilation ont été remplacés, la sécurité incendie a été revue et les procédures d'urgence adaptées pour assurer une réponse plus rapide en cas de situations critiques.
Avec ce bond technologique, le Swiss Plasma Center ouvre la voie à des recherches sur la fusion plus sûres et plus prometteuses, donnant ainsi un nouvel élan à la quête d'une source d'énergie durable pour notre avenir.