Le retournement temporel au service des transformateurs électriques

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Des chercheurs de l’Electromagnetic Compatibility Laboratory de l’EPFL ont mis au point une technique révolutionnaire permettant de détecter et de localiser la source d’anomalies (dites décharges partielles) dans les transformateurs électriques.

Détecter et localiser de manière ultra précise des défauts dans les transformateurs électriques est primordial. Ces derniers jouent un rôle clé dans le système de distribution de l’électricité en rendant possible son transport sans risques ni pertes. Leur bon fonctionnement est donc crucial pour la stabilité et la fiabilité des réseaux. « Or, il arrive que des microdécharges (appelées décharges partielles) apparaissent à l’intérieur des transformateurs », explique Farhad Rachidi, responsable de l’Electromagnetic Compatibility (EMC) Laboratory et professeur titulaire à l’EPFL. « Si rien n’est entrepris pour y remédier, des dommages importants peuvent survenir à long terme, allant parfois jusqu’à l’explosion du transformateur. »

La clé : la réversibilité des équations
Les solutions développées à ce jour permettent la détection de ces microdécharges, mais pas leur localisation de manière efficace et précise. « Grâce à notre technologie, nous pouvons identifier la source du défaut et, ainsi, résoudre le problème rapidement », se réjouit Hamid Reza Karami, collaborateur scientifique au laboratoire EMC. « Nous nous basons sur une technique relativement récente appelée le retournement temporel », ajoute-t-il. « Il existe une propriété des équations de la physique qui est la réversibilité des équations », détaille Farhad Rachidi. « La grande majorité des équations qui régissent le monde physique est effectivement réversible dans le temps. Une variable t représentant le temps y est toujours présente et le temps va toujours vers le futur. Mais ces équations restent valables si on remplace t par -t. Théoriquement, il est donc possible de remonter le temps. »

« Les ondes sont réinjectées en sens inverse »
Lorsqu’une décharge partielle se produit, deux types d’ondes sont générés (des ondes acoustiques et des ondes électromagnétiques) au sein du transformateur électrique. Une fois émises ces ondes sont « réceptionnées » par un capteur et digitalisées. Un algorithme analyse ensuite les ondes avant de les réinjecter dans un modèle simulant le transformateur. Le parcours en sens inverse est ainsi recomposé jusqu’à la source de la perturbation, permettant ainsi d’en déterminer la localisation exacte.

L’équipe de l’EPFL collabore actuellement avec la société fribourgeoise Sparks Instruments, active dans le domaine de la détection de décharge partielle et avec la HEIG-VD. « Nous avons été mis en contact avec Sparks Instruments à travers le Technology Transfer Office de l’EPFL », explique Farhad Rachidi. « Et grâce au soutien du programme de valorisation de la recherche enable, nous avons pu mener avec eux différents tests de validation expérimentale », ajoute-t-il. « Il y a un intérêt de la part de Sparks pour notre technologie, qui a été brevetée, et nous sommes en train d’explorer la meilleure manière de l’exploiter à des fins commerciales ».

Un potentiel immense
Le potentiel des applications se basant sur le retournement temporel est immense. D’ailleurs, Farhad Rachidi et ses équipes n’en sont pas à leur coup d’essai. En 2018 déjà, ils ont mis au point et breveté une application pour localiser en un temps record des courts-circuits dans les réseaux électriques. « Nous étions les premiers à proposer l’utilisation du retournement temporel pour ce type d’applications », se réjouit-il. Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : « nous avons également déposé un brevet pour une application permettant de localiser la source d’arythmies cardiaques et nous travaillons au développement d’une application, en collaboration avec la HEIG-VD et l’équipe du professeur Marcos Rubinstein, pour localiser la foudre. »