Le patrimoine industriel comme moteur de la transition

Anna Karla de Almeida Santos. © Alain Herzog / EPFL

Anna Karla de Almeida Santos. © Alain Herzog / EPFL

Dans cette chronique, parue en français dans la presse romande, Anna Karla de Almeida Santos, doctorante au Laboratoire d'urbanisme, explique que la transformation de sites au passé industriel représente une opportunité pour tester des pistes de recherche et matérialiser la transition socioécologique.

La transition socioécologique et l’urgence climatique imposent de considérer de nouveaux modes de production. Le pacte pour le climat et les récents accords européens et mondiaux avec la COP27 sur le changement climatique montrent que la production industrielle doit être fortement orientée vers une économie circulaire, durable, équitable et non extractive. C’est aussi le cas en Suisse, où l’impact des villes au passé industriel et des grands centres de production nécessitent une redéfinition de la manière dont ils sont — depuis longtemps — conçus et exploités.

La Suisse romande possède une longue tradition d’exploitation du territoire et d’innovation technique ainsi qu’une forte identité culturelle du bâti industriel. Il suffit de regarder les anciennes mines d’oxyde de fer du Jura, de ciment à Neuchâtel et de l’extraction du gravier et du sel en Valais pour s’en rendre compte. Il en va de même des secteurs de l’industrie alimentaire, chimique et pharmaceutique, qui sont des références mondiales et représentent plus de 26% des exportations suisses. Les traces de l’urbanisme horloger des villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds, la plus remarquable mémoire industrielle de Suisse, ont été reconnues en 2009 par l’UNESCO comme patrimoine mondial de l’humanité, démontrant l’importance du passé industriel et de l’excellence du swiss made.

L’engagement des municipalités et des cantons est essentiel afin de promouvoir des plans de valorisation pour la réhabilitation et la reconversion des friches industrielles.

Anna Karla De Almeida Santos, Laboratoire d’urbanisme Lab-U, EPFL

Des territoires à valoriser

Ainsi, porter un regard sur la mémoire industrielle comme mémoire territoriale est une manière de valoriser les communautés qui travaillent autour de ces territoires, souvent marqués aujourd’hui par la désindustrialisation, la désaffectation, le déclin économique et le besoin d’une régénération sociale et urbaine. L’engagement des municipalités et des cantons est donc essentiel afin de promouvoir des plans de valorisation pour la réhabilitation et la reconversion des friches industrielles en incitant les communes et les acteurs locaux à considérer les potentialités économiques, sociales et écologiques qu’elles représentent.

Ces territoires peuvent en effet être envisagés comme un laboratoire pour tester des pistes de recherche et matérialiser la transition socioécologique. La réutilisation d’espaces industriels désaffectés représente en outre une alternative au gaspillage de ressources lié à la construction de nouveaux bâtiments et à la consommation du sol.

Moteurs de la transition

Un exemple emblématique de réutilisation de friche industrielle est le complexe bluefactory à Fribourg. Le site propose une «vie de quartier», en réutilisant les friches aux usages mixtes et variés, y compris à travers le Smart Living Lab, qui comprend des laboratoires de l’EPFL, des restaurants et start-ups, donnant un nouveau dynamisme à la ville, tout en conservant le patrimoine industriel passé. Bien réhabilités, ces territoires peuvent donc devenir des moteurs et des pionniers de la transition socioécologique dans le contexte européen.

A noter qu’un séminaire organisé par l’EPFL et ouvert au public se tiendra à La Chaux-de-Fonds les 23 et 24 février 2023 avec des experts nationaux et internationaux pour discuter précisément de ces enjeux.

Anna Karla De Almeida Santos, Architecte urbaniste, experte en patrimoine industriel , Laboratoire d’urbanisme Lab-U, EPFL

  • Cette chronique est parue en décembre 2022 dans les quotidiens La Côte (Vaud), Le Nouvelliste (Valais) et Arcinfo (Neuchâtel), dans le cadre d'un partenariat avec le groupe de presse ESH Médias visant à faire connaître la recherche et l'innovation de l'EPFL dans le secteur de la construction auprès du grand public.