Le mystère de la formation des centrioles
Les centrioles permettent aux cellules humaines de percevoir leur environnement, de communiquer entre elles ou de se déplacer. Comment se forment-ils? Les scientifiques de l’EPFL et de l’Institut Paul Scherrer répondent à une question de biologie cellulaire vieille de 50 ans.
Les centrioles sont apparus très tôt dans l’évolution. Ils sont présents chez les eucaryotes, qui comprennent des organismes unicellulaires, ainsi que chez tous les animaux, humains compris. Ils assument des fonctions fondamentales, notamment pour la division des cellules. Ils sont également impliqués dans la formation des cils et des flagelles. Les cils assurent entre autres un effet nettoyant dans les voies respiratoires, tandis que les flagelles sont responsables de la mobilité des spermatozoïdes.
Une roue de voitures à neuf rayons
Les centrioles ont été découverts il y a quelque cinquante ans. Leur structure est bien connue. Sur des images prises au microscope électronique, on voit que les centrioles s’ordonnent autour d’une structure qui a la forme d’une roue de voiture, ce qui explique pourquoi les chercheurs lui donnent ce nom. Neuf triplets de microtubules s’organisent en anneau et forment un cylindre. C’est pourquoi les biologistes parlent d’une symétrie d’ordre neuf. La «roue de voiture» se trouve à l’intérieur du centriole et présente également une symétrie d’ordre neuf: il comprend une suspension centrale, le «moyeu» de la roue, d’où partent radialement neuf «rayons». À leurs extrémités, les rayons se combinent chacun avec l’un des neuf triplets de microtubules.
Cette structure en roue de voiture est déterminante pour la formation des centrioles. Cette symétrie est indispensable à la fonction des centrioles, mais aussi à celle de leurs dérivés, les cils et les flagelles. Jusqu’à présent, la façon dont la symétrie se développe est restée mystérieuse.
L’auto-organisation comme principe de construction
Pour résoudre cette énigme, les équipes de Pierre Gönczy à l’EPFL et de Michel Steinmetz à l’Institut Paul Scherrer se sont penchées sur une protéine dénommée SAS-6, dont on savait qu’elle était essentielle à la formation des centrioles. Elles ont découvert qu’elle avait la capacité de se combiner avec ses semblables : deux molécules SAS-6 peuvent s’assembler pour former ce que l’on nomme un «dimère». Ensuite, neuf dimères s’assemblent pour former un oligomère, lequel se présente sous la forme d’un «moyeu» d’où partent radialement neuf « rayons ».
«Dans notre modèle de formation des centrioles, SAS-6 est l’élément central de symétrie et de construction, explique Michel Steinmetz. Elle forme elle-même les roues de voiture, qui quant à elles servent de fondement et de squelette au centriole en formation. La nature a trouvé une solution d’une simplicité étonnante pour une structure hautement complexe.»
Point de départ pour de nouveaux traitements
Les connaissances concernant la symétrie des centrioles n’en est encore qu’au stade de la recherche fondamentale. Mais elles permettent déjà d’entrevoir de nouvelles perspectives cliniques. En effet, les centrioles défectueux sont à la base de nombreuses maladies : en plus de la stérilité masculine, il existe diverses maladies ciliaires affectant les voies respiratoires. «Étant donné que les centrioles interviennent dans de nombreux processus cellulaires et fonctions corporelles importants – de la préservation de la stabilité du génome lors de la division cellulaire jusqu’au déplacement des spermatozoïdes – ils constituent également des points d’attaque potentiels pour de nouveaux principes actifs. Le traitement contre le cancer pourrait tout particulièrement en tirer profit.