Le Machine Learning prédit les capacités thermiques des MOFs

Réseaux organométalliques captant le CO2 émanant de gaz de combustion (Credit: 2022 EPFL/S.M. Moosavi- CC-BY-SA 4.0)

Réseaux organométalliques captant le CO2 émanant de gaz de combustion (Credit: 2022 EPFL/S.M. Moosavi- CC-BY-SA 4.0)

Des chercheuses et chercheurs de l’EPFL ont mis au point un modèle de machine learning capable de prédire avec précision la capacité thermique des réseaux organométalliques, des matériaux très polyvalents. Leurs travaux révèlent que le coût énergétique global des processus de captage du carbone pourrait être nettement inférieur que prévu.

Les réseaux organométalliques (metal-organic framework ou MOF) constituent une catégorie de matériaux dotés de pores à l’échelle nanométrique. Ces pores procurent aux MOF des valeurs record de surfaces spécifiques internes, ce qui leur confère une polyvalence extrême pour un certain nombre d’applications, notamment: la séparation des produits pétrochimiques et des gaz, l'imitation de l’ADN, la production d’hydrogène et l’extraction de métaux lourds, d’anions fluorures et même d’or à partir de l’eau.

Les MOFs sont au cœur des travaux de recherche du professeur Berend Smit de la Faculté des Sciences de Base de l’EPFL. Son équipe met à profit le machine learning pour réaliser des avancées dans la découverte, la conception et même la classification des MOFs, toujours plus nombreux, qui inondent actuellement les bases de données chimiques.

Dans une récente étude, Berend Smit et ses collègues ont mis au point un modèle de machine learning qui prédit la capacité thermique des MOFs. « C’est de la thermodynamique très classique », explique Berend Smit. « Quelle quantité d’énergie est nécessaire pour réchauffer un matériau d’un degré ? Jusqu’à aujourd’hui, tous les calculs techniques partaient du principe que les MOFs avaient la même capacité thermique, pour la simple raison qu’il n’y a pratiquement aucune donnée disponible. » Seyed Mohamad Moosavi, postdoctorant dans l’équipe de Berend Smit ajoute : « S’il n’y a pas de données, comment peut-on créer un modèle de machine learning? Ça paraît impossible !»

La réponse est l’aspect le plus innovant de leurs travaux : un modèle de machine learning qui prédit comment l’environnement chimique ambiant change les vibrations de chaque atome dans une molécule de MOF. « Ces vibrations peuvent être associées à la capacité thermique », déclare Berend Smit. « Auparavant, un calcul quantique très coûteux donnait une seule capacité thermique pour un seul matériau, mais aujourd’hui on obtient jusqu’à 200 points de données sur ces vibrations. Ainsi, en faisant 200 calculs coûteux, on avait 40 000 points de données pour entraîner le modèle à la manière dont ces vibrations dépendent de leur environnement chimique. »

Les chercheuses et chercheurs ont ensuite testé dans la réalité leur modèle par rapport à des données expérimentales. « Les résultats étaient étonnamment médiocres », explique Berend Smit, «jusqu’à ce que nous comprenions que ces expériences avaient été réalisées avec des MOFs dont les pores contenaient du solvant. Nous avons alors synthétisé une nouvelle fois certains MOFs et éliminé avec soin le solvant de synthèse – mesuré leur capacité thermique – et les résultats correspondaient aux prédictions de notre modèle !»

« Nos travaux montrent comment l’intelligence artificielle (IA) peut accélérer la résolution de problèmes à plusieurs niveaux », confie Seyed Mohamad Moosavi. L’IA permet de réfléchir autrement à nos problèmes et même parfois de les résoudre. »

Pour démontrer l’impact réel des travaux, les ingénieur·es de l’Université Heriot-Watt ont simulé les performances des MOFs dans une installation de captage de carbone. « Nous avons utilisé les simulations moléculaires quantiques, le machine learning et le génie chimique pour simuler des procédés », indique Berend Smit. « Les résultats ont montré qu’avec des valeurs de capacité thermique correctes des MOFs, le coût énergétique global du procédé de captage du carbone peut être nettement inférieur à celui que nous avions initialement supposé. Nos travaux représentent un véritable effort à plusieurs niveaux et ont un impact considérable sur la viabilité technico-économique des solutions actuellement envisagées pour faire face au changement climatique.»

Autres contributeurs

  • Freie Universität Berlin
  • Université de Cambridge
  • Université Heriot-Watt
  • Université de Manchester
Financement

Département britannique des Affaires, de l’Énergie et des Stratégies industrielles (BEIS)

Conseil de recherches sur l’environnement naturel du Royaume-Uni (NERC)

Conseil de recherches en ingénierie et sciences physiques du Royaume-Uni (EPSRC)

Office fédéral de l’énergie

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

UKRI ISCF Industrial Challenge de l’Industrial Decarbonisation Research and Innovation Centre (IDRIC)

Commission européenne (ERC)

Ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche (BMBF)

École de mathématiques de Berlin MATH+

Références

Seyed Mohamad Moosavi, Balázs Álmos Novotny, Daniele Ongari, Elias Moubarak, Mehrdad Asgari, Özge Kadioglu, Charithea Charalambous, Andres Ortega-Guerrero, Amir H. Farmahini, Lev Sarkisov, Susana Garcia, Frank Noé, Berend Smit. A Data-Science Approach to Predict the Heat Capacity of Nanoporous Materials. Nature Materials 13 October 2022. DOI: 10.1038/s41563-022-01374-3


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: EPFL

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