Le machine learning pour les problèmes de prolongement analytique

Le deep learning permet d’obtenir un lien entre certaines simulations numériques et les résultats expérimentaux de manière plus rapide et robuste que les méthodes traditionnelles. Voilà ce qu’a illustré un jeune étudiant de l’EPFL dans le cadre de son travail semestriel, qui a récemment été publié dans la revue Physical Review Letters.

Comparer des résultats expérimentaux avec les prédictions de modèles théoriques est une activité majeure dans toutes les sciences et la physique n’y fait pas exception. Obtenir des prédictions sur la base de ces modèles demande le plus souvent l’utilisation de méthodes numériques. Certaines d’entre elles nécessitent de travailler dans ce que les physiciens appellent le temps imaginaire, et leurs résultats doivent être « traduits » avant de pouvoir être comparés avec les données provenant des laboratoires. C’est cette traduction que l’on nomme le prolongement analytique.

Dans le cadre de son travail semestriel effectué au sein de la Chaire de physique numérique de la matière condensée de l’EPFL, Romain Fournier a choisi d’utiliser l’apprentissage automatique pour passer du temps imaginaire aux données expérimentales. Son travail a fait l’objet d’une récente publication dans la revue Physical Review Letters, le journal de référence en matière de physique, ce qui est extrêmement rare pour un projet provenant d’un étudiant de premier cycle.

Connaissances préalables

« La difficulté majeure pour effectuer cette traduction est qu’il existe un nombre illimité de solutions mathématiques au problème, relève Romain Fournier, qui a récemment commencé un doctorat en statistiques à l’université d’Oxford. C’est un peu comme si, au lieu de demander combien font 2+2, on vous demandait quelle est l’opération qui a donné 4 pour réponse. Parmi toutes les réponses possibles, nous nous intéressons évidemment uniquement à celle correspondant à une réalité physique. On parle ici de problème mal défini, une situation très fréquente dans le monde scientifique. » L’unique moyen de résoudre ce problème consiste à ajouter des connaissances préalables à ce dernier.

La démarche de l’étudiant, proposée par Quansheng Wu, chercheur postdoctoral au sein de la Chaire qui a supervisé ce travail avec l’appui du Pôle de recherche national MARVEL (dédié à la découverte et invention de nouveaux matériaux en faisant des simulations quantiques à l’aide de superordinateurs), a consisté à entraîner un réseau neuronal à effectuer cette traduction, en lui présentant des exemples provenant de simulations de données que l’on pourrait obtenir dans le cadre d’une expérience. « Il est très facile de passer des données expérimentales à celles en temps imaginaire, ce qui permet de constituer rapidement une grande base de données sur laquelle entraîner notre modèle », souligne Romain Fournier.

Ainsi, là où les méthodes traditionnelles utilisent une manière indirecte d’ajouter des connaissances préalables, cette méthode le fait simplement en présentant des résultats ressemblant à ceux que l’on obtient expérimentalement. Une fois entraîné, le réseau neuronal permet d’obtenir des réponses plus rapidement et de manière plus robuste que les méthodes traditionnelles.

Influence majeure

Pour Oleg Yazyev, professeur assistant et responsable de la Chaire, l’émergence des outils d’apprentissage automatique aura une influence grandissante en physique dans les années à venir. « Le fait qu’un projet semestriel ordinaire se transforme en une avancée scientifique publiée dans une revue de référence est extrêmement motivant pour nos étudiants. Bien sûr, cela ne se produit pas toujours, mais lorsque c’est le cas, cela a un impact positif énorme sur la carrière des jeunes talents. De tels projets nous permettent également, en tant que chercheurs plus expérimentés, de tester nos idées les plus folles. »


Auteur: William Türler

Source: EPFL