Le machine learning dévoile le potentiel des éoliennes à axe vertical
Des scientifiques de l’EPFL ont utilisé un algorithme d’apprentissage génétique pour identifier les meilleurs profils d’inclinaison des pales d’éoliennes à axe vertical. Ces dernières, malgré leur fort potentiel énergétique, sont encore vulnérables aux fortes rafales de vent.
Quand vous entendez parler d’éolienne industrielle, vous pensez probablement au design d’un moulin à vent, connu sous l’appellation technique d’éolienne à axe horizontal ou HAWT. Mais les toutes premières éoliennes développées au Moyen-Orient vers le VIIIe siècle pour le broyage des céréales étaient des éoliennes à axe vertical ou VAWT. Elles tournaient non pas parallèlement mais perpendiculairement au vent.
Du fait de leur vitesse de rotation plus lente, les éoliennes VAWT sont moins bruyantes que les éoliennes HAWT. Elles permettent également d’obtenir une plus grande densité d’énergie, ce qui signifie qu’elles ont moins besoin d’espace pour la même production sur terre et en mer. Les pales sont aussi plus respectueuses de la faune. Étant donné qu’elles tournent latéralement plutôt qu’elles ne tranchent par le haut, les oiseaux peuvent plus facilement les éviter.
Si elles ont ces avantages, alors pourquoi les éoliennes VAWT sont-elles peu présentes sur le marché actuel? Comme l’explique Sébastien Le Fouest, chercheur au Laboratoire de diagnostic des écoulements instationnaires (UNFOLD) de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur, c’est lié à un certain problème technique, le contrôle du flux d’air. Selon lui, cela peut être résolu en combinant capteurs et machine learning. Dans un article récemment publié dans la revue Nature Communications, Sébastien Le Fouest et Karen Mulleners, responsable du Laboratoire UNFOLD, décrivent deux profils d’inclinaison optimum pour les pales des éoliennes VAWT. Ces profils permettent d’augmenter de 200% les performances des éoliennes et de réduire de 77% les vibrations qui menacent la structure.
«Notre étude représente, à notre connaissance, la première application expérimentale d’un algorithme d’apprentissage génétique pour déterminer la meilleure inclinaison d’une pale d’éolienne VAWT», déclare Sébastien Le Fouest.
Faire d’un talon d’Achille un avantage
Sébastien Le Fouest explique que la capacité éolienne installée d’Europe augmente de 19 gigawatts chaque année, mais que ce chiffre devrait se rapprocher de 30 gigawatts pour atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici à 2050 fixé par les Nations unies.
«Les obstacles ne sont pas financiers, mais sociaux et législatifs. Les éoliennes sont très peu acceptées par la société du fait de leur taille et de leur bruit», indique-t-il.
Malgré leurs avantages, les éoliennes VAWT présentent un inconvénient majeur: elles ne fonctionnent qu’en présence d’un flux d’air modéré et continu. L’axe vertical de rotation fait que les pales changent constamment d’orientation par rapport au vent. Une forte rafale augmente l’angle entre le flux d’air et la pale, formant un tourbillon dans un phénomène appelé décrochage dynamique. Ces tourbillons créent des charges structurelles transitoires auxquelles les pales ne peuvent résister.
Pour remédier à ce manque de résistance aux rafales, les scientifiques ont installé des capteurs sur un arbre d’actionnement de pale pour mesurer les forces aériennes exercées dessus. En inclinant la pale d’avant en arrière à des angles, des vitesses et des amplitudes différents, ils ont créé une série de «profils d’inclinaison». Puis, ils ont exécuté un algorithme génétique sur ordinateur, qui a effectué plus de 3 500 itérations expérimentales. Tel un processus évolutif, l’algorithme a sélectionné les profils d’inclinaison les plus performants et les plus robustes, et a recombiné leurs caractéristiques pour créer le meilleur profil.
Cette approche a permis aux scientifiques non seulement d’identifier deux séries de profils d’inclinaison qui contribuent à optimiser considérablement les performances et la robustesse des éoliennes, mais aussi de transformer en atout les principaux points faibles des éoliennes VAWT.
«À une plus petite échelle, le décrochage dynamique – le même phénomène que celui qui détruit les éoliennes – peut en fait propulser la pale vers l’avant. Ici, nous utilisons vraiment le décrochage dynamique à notre avantage en redirigeant l’inclinaison de la pale vers l’avant pour produire de l’énergie», explique Sébastien Le Fouest. «La plupart des éoliennes orientent la force générée par les pales vers le haut, ce qui ne facilite pas la rotation. Modifier cet angle ne crée pas seulement un tourbillon plus petit, mais le repousse aussi au bon moment, ce qui entraîne la formation d’une seconde zone de production d’énergie dans le sens du vent.»
L’article de Nature Communications présente les travaux de doctorat de Sébastien Le Fouest au Laboratoire UNFOLD. Ce chercheur a récemment reçu une bourse BRIDGE du Fonds national suisse de la recherche scientifique et d'Innosuisse pour la construction d’une éolienne VAWT de démonstration. L’objectif est d’installer cette éolienne sur le terrain de sorte à pouvoir la tester en conditions réelles.
«Nous espérons que cette méthode de contrôle du flux d’air fera évoluer la technologie VAWT, à la fois efficace et fiable, pour permettre sa commercialisation», conclut Sébastien Le Fouest.
Ce travail a bénéficié de l’instrument «Assistant Professor (AP) Energy Grants» du FNS. L’appel d’offre, lancé entre 2013 et 2016 dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération, visait à financer le lancement de nouveaux projets de recherche en lien avec l’énergie dans des laboratoires récemment ouverts. Lire la communiqué de presse FNS.
Le Fouest, S., Mulleners, K. Optimal blade pitch control for enhanced vertical-axis wind turbine performance. Nat Commun 15, 2770 (2024). https://doi.org/10.1038/s41467-024-46988-0