Le graphène dopé au sodium pourrait fournir de meilleures piles
Des chercheurs de l'EPFL ont découvert que le graphène dopé au sodium pouvait jouer un rôle-clé dans la fabrication de piles économiques et d’appareils spintroniques.
« Le lithium est en train de devenir un matériau problématique, car il est couramment utilisé dans les téléphones portables et les batteries de voiture, alors qu'en principe, le sodium pourrait être une alternative beaucoup moins chère et plus abondante », estime Ferenc Simon, chercheur dans le groupe de László Forró à l'EPFL. « Cela nous a incité à trouver une nouvelle architecture de batterie : le graphène dopé au sodium. »
Le graphite dopé avec des atomes de lithium est l'un des matériaux d'anode les plus courants dans les batteries, et l a recherche à ce sujet a remporté le prix Nobel de chimie en 2019. Mais l'usage accru du lithium peut entraîner une pénurie.
D’un autre côté, le sodium est le 6e matériau le plus abondant sur terre, alors que le lithium occupe seulement la 25e place. De plus, le sodium peut être obtenu à partir de multiples sources, dont le sel gemme ou l’eau de mer. Toutefois, un obstacle majeur à l'utilisation des piles au sodium est la capacité d’expansion du graphite qui ne représente qu’un dixième environ de celle du lithium, ce qui s’exprime par une capacité de stockage de charge réduite et une durée de vie plus courte des piles.
Les chercheurs invités de l'EPFL Ferenc Simon et Bence G. Márkus (de l'Université de technologie et d'économie de Budapest), aux côtés de l'équipe du professeur Forró du Laboratoire de physique de la matière complexe, ont découvert une nouvelle voie de synthèse pour doper quelques couches de graphène avec du sodium, ce qui a fourni une capacité de stockage très performante.
La méthode utilise de l'ammoniaque comme catalyseur en raison de sa capacité bien connue à dissoudre les métaux alcalins, favorisant ainsi la réaction, et laissant la matière finale s’échapper sous forme de gaz. Il en résulte un matériau à forte teneur en sodium.
Une autre caractéristique intéressante de la matrice de graphène à plusieurs couches est que le moment magnétique (« spin ») de l'électron transféré du sodium maintient son orientation pendant longtemps. Cette propriété est une condition préalable essentielle dans une branche des technologies de l'information appelée spintronique. « Notre matériau peut être synthétisé à l'échelle industrielle tout en conservant ses excellentes propriétés », explique Ferenc Simon, l'auteur principal de la publication.
Malgré ces résultats exaltants, les chercheurs reconnaissent que la commercialisation prendra du temps. Mais compte tenu de la croissance presque exponentielle de la demande de piles, l'étude ouvre des perspectives d'innovation très prometteuses.
Les résultats sont publiés dans ACS Nano.
(De gauche à droite) Les anodes courantes utilisées dans les batteries lithium-ion sont constituées de graphite dopé au lithium, mais le Na ne peut pas pénétrer dans le graphite. La solution (figure la plus à droite) sépare les couches de graphène, car Na peut les doper efficacement. Crédit: Bence G. Márkus (BME/EPFL)
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B. G. Márkus, P. Szirmai, K. F. Edelthalhammer, P. Eckerlein, A. Hirsch, F. Hauke, N. M. Nemes, Julio C. Chacón-Torres, B. Náfrádi, L. Forró, T. Pichler, F. Simon. Ultralong Spin Lifetime in Light Alkali Atom Doped Graphene. ACS Nano, 02 juin 2020. DOI: 10.1021/acsnano.0c03191