Le fondateur du Point Vélo lègue une trace durable
Seize ans après avoir créé le Point Vélo sur le campus de l’EPFL, Jacques Simonin a remis définitivement les outils à son successeur. Chaudement remercié par le président Martin Vetterli, il va mettre le cap sur les Antilles pour y passer l’hiver et s’y consacrer à l’énergie solaire.
Le Point Vélo n’est pas un endroit que l’on quitte facilement. Son fondateur, Jacques Simonin, y passait encore plusieurs heures ces derniers mois, à 73 ans, malgré l’entrée en fonction de son successeur l’été dernier. Avec Mayeul Barthes aux commandes, l’avenir est assuré pour ce lieu stratégique du campus d’Ecublens. Le nouveau responsable, âgé de 26 ans, est un ancien assistant-étudiant du Point Vélo. Titulaire d’un master en systèmes de communication obtenu en 2017, il a préféré revenir au Point Vélo plutôt que de poursuivre une carrière d’ingénieur. C’est dire le pouvoir d’attraction de cet endroit très spécial, où la communauté EPFL peut venir à tout moment pour obtenir un service, un conseil, une pièce…
Lors de l’apéro de départ de Jacques Simonin le 22 novembre, organisé à la demande du président de l’EPFL, la plupart des actuels et plusieurs anciens assistants-étudiants étaient présents. Martin Vetterli a salué le travail accompli par Jacques Simonin pendant ces seize dernières années, « contre vents et marées », d’abord dans des containers, puis près du bâtiment ENG. En 2018, le Point Vélo s’est finalement installé dans ce lieu à l’architecture « très cool », selon les mots du président, fruit d’un concours d’architecture auprès des étudiantes et étudiants, concrétisé par l’équipe du Professeur Emmanuel Rey.
« A chaque fois que je passe ici, je vois qu’il y a une immense activité, des gens qui sont passionnés, et je vois même des gens qui ont trouvé une carrière », a ajouté Martin Vetterli, en clin d’œil à Mayeul Barthes, « qui a pris un cours qu’on donne dans mon labo mais qui a décidé que non, le vélo c’était plus marrant ».
Jacques Simonin a achevé quelque chose de fabuleux, cela fait une grande différence sur le campus, j’espère que c’est un modèle pour d’autres initiatives de ce genre, qui sont des initiatives combinées qu’on ne fera jamais tout seuls.
De l’électrique au recyclage
Tout a commencé en 2005 quand Jacques Simonin, lui-même ancien étudiant de l’EPFL, promotion 1972, a commencé à importer des vélos électriques de Chine et à les proposer sur le campus à un prix trois fois moindre que sur le marché suisse. Puis, très vite, à la demande de Jean-François Person, un ancien de l’EPFL lui aussi « fana de vélo », des prestations d’entretien quasi-bénévoles se sont mises en place au Point Vélo. Dès la deuxième année, des assistants-étudiants financés par l’EPFL ont commencé à y travailler.
Depuis 2010, le Point Vélo recycle d’anciennes bécanes et les revend pour la modique somme de 130 francs. Elle les reprend aussi pour la moitié de ce prix, et en achète ou en trouve également ailleurs. Quant aux réparations, elles sont toujours gratuites, le Point Vélo ne facturant que les pièces au prix coûtant.
« Au début nous vendions 100 vélos d’occasion par an. Il y en a eu 800 cette année, dont environ 150 vélos-ventouses », c’est-à-dire abandonnés sur le campus, se réjouit Jacques Simonin. « J’ai rendu à l’Ecole un peu de ce qu’elle m’a apporté », déclare-t-il sans nostalgie, pensant déjà à la suite. Amoureux des Antilles, il prévoit d’y passer plus de temps pour booster l’entreprise de chauffe-eaux solaires qu’il a créée là-bas il y a plusieurs années déjà.
A l’heure du départ, Jacques Simonin a tenu à remercier tous ses assistants-étudiants : « On a passé de bons moments ensemble, et je souhaite que vous soyez non seulement de bons étudiants et de bons assistants, mais ensuite des hommes et des femmes engagés dans leur travail et dans la durabilité. Et aussi dans l’économie circulaire ! »
Portrait chinois
Nous avons demandé à l’ancien et au nouveau responsable du Point Vélo de répondre à quelques questions croisées :
Si vous étiez un type de vélo, vous seriez ?
Jacques Simonin : « Un tandem, parce qu’on est toujours plus fort à deux que tout seul. »
Mayeul Barthes : « Un vieux vélo de route en acier. »
Si vous étiez une partie de vélo ?
Jacques : « La roue, car j’aime tourner. »
Mayeul : « Un grand plateau, car c’est un peu brut, mais ça permet d’aller vite. »
Si vous étiez un outil ?
Jacques : « Un démonte-pneu, c’est très utile et tout simple. Ça permet de faire des réparations de crevaison tellement rapidement. Tous les gens qui viennent au Point Vélo sont étonnés de la vitesse à laquelle on répare ça. »
Mayeul : « Une clé Allen. Sur les vélos récents ça sert à tout, tu peux tout réparer avec. »
Si vous étiez une balade à vélo, ce serait quoi ?
Jacques : « Ce serait à la montagne. J’aime le VTT, et aussi les bords du lac, mais quand même plutôt monter à la montagne pour avoir une belle vue. Je vis en Valais et j’aime bien aller par exemple au col du Sanetsch. »
Mayeul : « Les crêtes. Pas forcément un endroit spécifique, mais là où il y a un peu moins d’arbres et un peu plus de vue. Tu longes, et c’est joli... »
Un moment de la journée ?
Jacques : « Le midi, parce que c’est le milieu de la journée. On peut manger, et ensuite il y a une deuxième partie. »
Mayeul : « Le lever du soleil. C’est un peu égocentrique de se comparer à ce moment, mais en tout cas c’est le moment que j’aime dans la journée. »
Un événement météorologique ?
Jacques : « Un cyclone, car j’ai vécu longtemps aux Antilles et les cyclones m’ont toujours impressionné : on ne peut rien faire, on ne peut que le regarder passer, en espérant qu’il fasse le moins de dégâts possibles ! »
Mayeul : « Une bourrasque ! Ça arrive quand tu ne t’y attends pas trop, et ça met tout sens dessus dessous. »
Si vous étiez l’autre, vous feriez quoi ?
Jacques : « Je continuerais ce que Jacques a commencé ! »
Mayeul : « Je continuerais à faire mes parcours en VTT et à envoyer des photos de couchers de soleil à Sion ! »
Si vous étiez doté d’un super pouvoir, vous feriez-quoi ?
Jacques : « Je ferai en sorte que Mayeul puisse continuer à développer le Point Vélo. »
Mayeul : « Pas grand-chose, je crois. Il y a plein de super pouvoirs qui ont l’air chouette, mais ils ont tous plein d’inconvénients qui enlèvent du goût à la vie. Du coup c’est plus rigolo de ne pas savoir ce qui va se passer, de galérer à faire les choses. Et quand tu arrives à les faire, c’est d’autant plus cool ! »
Si vous deviez changer quelque chose à l’EFPL, vous feriez quoi ?
Jacques : « Je créerais plus d’ouverture, parce que j’ai dû bousculer tellement de choses pour faire avancer ce Point Vélo. Il y a des blocages institutionnels, comme dans toute institution. Il faudrait que plus de gens de l’extérieur puissent faire bouger les choses. »
Mayeul : « Je ferais en sorte que les gens qui sont à l’EPFL aient les mêmes talents et connaissances qu’ils acquièrent déjà, mais aussi dans des choses beaucoup moins high-techs, et qu’ils puissent développer un peu la conscience des matériaux et le low-tech. »