Le couronnement d'une carrière au service des étudiantes et étudiants

Au long de son parcours, le physicien a prôné l’importance «des expérience traumatisantes». 2022 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Au long de son parcours, le physicien a prôné l’importance «des expérience traumatisantes». 2022 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Professeur de physique à l’EPFL, Jean-Philippe Ansermet a décroché le Credit Suisse Award for best teaching 2022, juste avant de prendre sa retraite. Durant trente ans, il a enseigné avec passion et un enthousiasme inébranlable.


Le 3 juin 2022 à 9h15. Jean-Philippe Ansermet donne son dernier cours de thermodynamique à l’EPFL. Au menu, un show d’expériences, un rappel de leur valeur pédagogique, des applaudissements, des dédicaces, un hommage en images et une vague d’émotions. Le physicien quitte les lieux en rock star de l’auditoire CE4. «Je ne m’attendais pas à voir autant de monde, des anciens étudiants et étudiantes ont fait le déplacement. C’était un moment extrêmement chaleureux et touchant.»

Il faut dire qu’à l’EPFL, le professeur désormais émérite est connu et reconnu. Et pas seulement pour la formule d’accueil de son MOOC de mécanique réalisé en 2013: «Bonjour, bienvenue au cours de physique générale de l’EPFL». Phrase répétée une soixantaine de fois, et devenue culte auprès des étudiantes et étudiants. «Il suffit que je le redise et ils éclatent de rire. Cela dit ce MOOC a eu un grand succès sur YouTube et il y a régulièrement sur le campus des personnes qui me reconnaissent sans avoir suivi un de mes cours.»

Les expériences traumatisantes

Mais la notoriété de Jean-Philippe Ansermet vient aussi du fait que c’était un pilier de la section de physique. Il l’a dirigée durant douze ans et y a enseigné 30 ans. Lorsqu’il évoque son domaine de prédilection, il conserve pourtant une curiosité inaltérée. Elle se perçoit lorsqu’il raconte avec facétie, la récente visite à son fils, enseignant de physique en Californie, et la conception d’expériences de mécanique dans son salon.

Au long de son parcours, le physicien a mis un point d’honneur à cultiver son enthousiasme pour l’enseignement, à adapter ses cours en fonction des retours des étudiantes et étudiants, à innover et surtout à marteler l’importance «des expérience traumatisantes». Ces expériences pédagogiques marquantes qui ancrent durablement la connaissance. «Être confronté à quelque chose de tangible permet de mieux retenir la matière». Celui qui partait en vacances à la montagne avec des moteurs et un fer à souder pour jouer avec ses enfants, a d’ailleurs participé à étoffer la collection des quelques 800 expériences de physique que compte l’EPFL, notamment avec le pendule tournant. Expérience connue à l’EPFL sous le nom de «pendule d’Ansermet».

Être confronté à quelque chose de tangible permet de mieux retenir la matière

Jean-Philippe Ansermet, professeur émérite à l'EPFL

«Ma recherche a inspiré mon enseignement et réciproquement. Faire découvrir un domaine qui me passionne a toujours été un plaisir.» Sa thèse en résonance magnétique nucléaire a influencé les choix thématiques du cours de mécanique qu’il a repris d’un de ses anciens professeurs. Ses travaux sur la modélisation thermodynamique de la spintronique l’ont amené à remodeler le cours de thermodynamique dont il avait la charge depuis 2001.

Une carrière au service de la transmission de connaissance qui confère aujourd’hui à Jean-Philippe Ansermet le Credit Suisse Award for best teaching 2022. «L’enseignement pour moi c’est une vibration intérieure, mais les grands champions ce sont les étudiantes et étudiants qui sont déterminés, persévérants et courageux.»

Transmettre au mieux des matières ardues

Il a été à leur place, gymnasien bricoleur, amateur de sciences et avide d’étudier à l’EPFL. Il a hésité entre les mathématiques, la chimie et la physique. De cette dernière section se dégageait une atmosphère qui lui a plu, mais il n’a pas complétement laissé tomber les deux autres disciplines puisque sa recherche comporte une composante de chimie et, comme il l’enseignait dans son cours de mécanique, «les étudiantes et étudiants doivent apprendre à tenir un discours mathématique pour décrire les phénomènes physiques.»

Ma recherche a inspiré mon enseignement et réciproquement. Faire découvrir un domaine qui me passionne a toujours été un plaisir.

Jean-Philippe Ansermet, professeur émérite à l'EPFL

Pour transmettre au mieux la mécanique et la thermodynamique, matières ardues, l’aficionado de l’expérience a toujours exploré de nouvelles pistes. Pas étonnant qu’il y a neuf ans il ait été un des premiers de l’EPFL à tenter l’aventure d’un MOOC. «Patrick Aebischer nous avait encouragé à nous lancer dans cette nouvelle forme d’enseignement. J’avais donc réuni 15 collègues pour essayer de les convaincre de faire le pas avec moi. A la fin, il y en avait seulement deux de motivés. Puis ils m’ont dit ‘on a beaucoup réfléchi, il faut que tu le fasses tout seul’. A l’époque, on ne savait pas si cela allait être utilisé, c’était se jeter dans l’eau froide.» Au final son MOOC est largement visionné et il réitérera l’expérience quelques années plus tard avec un MOOC collectif de thermodynamique.

En complément, Jean-Philippe Ansermet a aussi rédigé deux livres, l’un sur la mécanique et l’autre sur la thermodynamique, co-écrit avec Sylvain Bréchet. Pour cette dernière matière, il a développé sa «propre façon d’enseigner», modelée au fur et à mesure des confrontations avec les étudiantes et étudiants. Présentant la thermodynamique sous une forme «quasi axiomatique», il s’est aussi attaché à présenter une large palette d’applications de celle-ci.

En avant toute, sans regard dans le rétroviseur

Accordant une grande importance à l’expérience pratique, le professeur est impliqué depuis neuf ans dans l’International Physicists’ Tournament, compétition qui propose chaque année aux étudiantes et étudiants une nouvelle liste de problèmes nécessitant une recherche originale. «Je trouve ça prodigieux. C’est un plaisir de pouvoir être témoin de leur vigueur intellectuelle.» Il s’est d’ailleurs inspiré du format de tournoi pour ses cours. «Deux étudiant·es présentent un problème au tableau et deux autres posent des questions et en font la critique.»

Appréciant toujours former les jeunes chercheurs et chercheuses, il continuera d’encadrer l’équipe de l’EPFL pour ce tournoi, malgré son départ à la retraite. Il poursuivra également l’enseignement du cours doctoral sur la dynamique de spin, et il compte publier un troisième livre. La nostalgie n’est pas du tout au programme, l’ennui non plus.


Auteur: Laureline Duvillard

Source: EPFL

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