Le côté obscur du chlore

La désinfection au chlore a joué un rôle dans la fourniture d'eau potable, mais son utilisation présente aussi des risques. Le professeur Urs von Gunten de l’EPFL et de l'EAWAG et David L. Sedlak de l'Université de Californie, Berkeley, mettent en perspective les conséquences et les dangers du recours au chlore dans le magazine Science

Utilisé à très haute dose dans l’eau potable, le chlore présente de nombreux risques pour la santé publique.

En plus d'inactiver les pathogènes qui se trouvent dans l'eau, le chlore réagit avec la matière organique naturelle et produit divers résidus de désinfection toxiques (DBPs).

La découverte d'un lien potentiel entre DBPs et un taux accru de fausses couches et de cancers de la vessie a conduit à la mise en place d'une réglementation plus stricte, ainsi qu'à des changements dans le fonctionnement des systèmes de traitement des eaux pendant la dernière décennie.

Ces préoccupations, ajoutées aux risques liés au stockage du chlore sous forme gazeuse, ont récemment poussé beaucoup de stations d'épuration ou de production d'eau potable à cesser partiellement l'utilisation du chlore pour la désinfection de l'eau et opté pour l’utilisation de chloramine.

Cependant, comme décrit par Urs von Gunten (Faculté de l'Environnement Naturel, Architectural et Construit, EPFL et de l'EAWAG) et David L. Sedlak de l'Université de Californie (Berkeley), une série d'études récentes suggère que ce passage du chlore à la chloramine a eu des conséquences inattendues qui posent des risques pour la santé publique et pour l'environnement. On a découvert que le monochloramine peut former du NDMA, une substance bien plus toxique que «les composants traditionnels» formé par le chlore.

Les risques du chlore

«C’est un problème principalement aux Etats-Unis», explique Urs von Gunten, «le monochloramine est interdit en Suisse. En plus, en Suisse l’eau est souvent pompée directement des nappes et distribuée sans chlore."

Urs von Gunten relève aussi une différence d’acceptation dans la population "En Suisse, le goût de chlore provoque une méfiance et des plaintes de la population. Aux Etats-Unis c’est l’inverse», explique-t-il, "si l’eau potable n’a pas le goût de chlore, cela va inquiéter les gens !»


Ce spécialiste du traitement des eaux remarque une situation diversifiée en Europe : «L’application des normes change d’un pays à l’autre. En Suisse, en Allemagne et en Autriche, on évite au maximum d’utiliser du chlore comme désinfectant pour l’eau. En Espagne on l’utilise beaucoup et en France la situation est intermédiaire.»

Avec les risques potentiels que présente le chlore pour la santé publique, Urs von Gunten formule une solution: «des régulations très rigoureuses au niveau de la protection des ressources d'eau potable, du traitement approprié de l'eau, pour garantir une désinfection propre, et de la maintenance des systèmes de distribution, permettent de minimiser ou d'éviter la présence de chlore et tous les effets négatifs liés au goût à l'odeur, et aux dangers pour la santé publique.»


Auteur: Didier Bonvin

Source: EPFL