Le chien robotique qui court (presque) tout seul

PROJET ETUDIANT. À partir d’un set de données des mouvements d’un chien, Mickaël Achkar a construit un robot capable, une fois lancé, de courir tout seul et sans moteur.


La passion du Laboratoire de conception et de fabrication de robots par informatique (CREATE) est de trouver de nouvelles méthodes pour concevoir des robots tout en leur donnant des habilités inédites. C’est ainsi que la professeure Josie Hughes et deux chercheurs ont utilisé ChatGPT pour mettre au point une pince robotique destinée à la cueillette des tomates. Ou que Mickaël Achkar a fabriqué un robot chien à partir de données de capture de mouvements. Pour son projet de master, il a utilisé les informations biologiques pour conceptualiser de manière plus intelligente et fabriquer un robot toutou qui court tout seul une fois lancé, sans l'aide de moteur.

« Le but était de créer un robot qui reprend les caractéristiques d’un animal, sachant que les animaux comme les humains présentent une diversité énorme de mouvements, mais que la plupart des tâches dépendent de quelques articulations », explique l’étudiant. En d’autres termes, il s’agissait de s’inspirer du contrôle moteur de l’animal pour guider la conception d’un robot.

Théoriquement, Mickaël aurait pu choisir une sauterelle, une fourmi, un éléphant ou un guépard. Mais le choix du chien s’est imposé. « Nous avons trouvé un riche set de données issues de captures du mouvement d’un chien, de surcroit disponible en open source », justifie l’étudiant. La première étape a consisté à extraire les données des mouvements synergiques puis à les organiser afin de pouvoir les « résumer » de façon pertinente. La méthode s’appelle l’analyse en composantes principales. Schématiquement, elle permet de décomposer les données en plusieurs vecteurs pour en dégager les grands axes de la structure des mouvements et définir les spécifications précises du robot.

Du métal, des poulies, du fil et des vis

Le résultat est un robot chien symétrique sur l’axe de sa longueur. De chaque côté, deux pattes dotées de trois articulations chacune, toutes couplées entre elles. C’est là que réside toute la subtilité. Cela permet de reproduire le mouvement de course d’un chien et d’en acquérir toute l’agilité. La conception du robot optimisée, sa fabrication n’a requis que quelques « os » métalliques, des poulies construites à l’imprimante 3D pour les articulations, de fins câbles pour les tendons et quelques vis.

Afin de voir si le robot était vraiment fonctionnel, les scientifiques ont acheté un tapis roulant. La surprise a été de voir que le robot chien, une fois lancé, est capable de courir tout seul sans devoir recourir à des moteurs pour son contrôle. « On s’est demandé si c’était dû au hasard, mais j’ai changé un peu la conception et ça n’a plus marché. » Un contrepoids est toutefois nécessaire pour maintenir le cycle une fois lancé, tel un pendule. « Il permet d’injecter de l’énergie, selon un principe que l’on appelle la résonnance », précise l’étudiant. « Nous avons dessiné le corps afin qu’il réagisse automatiquement de lui-même, de la même manière qu’une truite se met à nager lorsqu’elle retrouve l’eau », résume Francesco Stella, doctorant au CREATE et qui a supervisé le travail.

Synergiser les articulations

Le robot possède quand même des moteurs, afin de permettre une diversité de mouvement. Le chien pourrait par exemple sauter ou franchir des obstacles sans le soutien du contrepoids. « Grâce aux moteurs, on voudrait pousser le modèle plus loin, mais en l’état il reste assez fragile ». Mickaël le teste quand même, lui mettant un bâton dans les pattes pour entraver sa course. Le toutou robot se remet automatiquement à galoper avec l’agilité de ses quatre membres. Sur son tapis de course, il peut atteindre les 6 km/h sans faiblir.

« L'objectif n'est pas de rivaliser avec les robots chiens contemporains de très haute technologie, mais plutôt de proposer une approche alternative bio-inspirée qui consiste à se concentrer sur la conception du corps et ses propriétés passives pour ainsi simplifier le contrôle et maximiser les capacités. Cette façon de concevoir les choses, en synergisant les articulations, se révèle déjà être utile pour reproduire des mains robotiques ou d'autres parties du corps », explique Mickaël.

Ce travail a été soumis pour publication et devrait sortir dans une revue scientifique au cours des prochains mois. Son master en robotique en poche, Mickaël va de son côté retourner au Canada, à Montréal. Après un Bachelor à l’Université McGill en génie mécanique, l’EPFL a été sa parenthèse européenne, choisie pour son excellence et son implantation francophone. Elle lui a permis de se découvrir une passion pour la robotique.


Auteur: Anne-Muriel Brouet

Source: EPFL

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