Le cerveau, miroir des traumatismes des mères

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On savait déjà qu’il était plus difficile, pour les mères avec un état de stress posttraumatique (ESPT) en lien avec des événements traumatiques de leur histoire, d’établir une relation avec leur enfant dans les moments où le stress est activé (séparation, conflits, situation nouvelle ou effrayante, etc). L’équipe du professeur Daniel Schechter a démontré les mécanismes qui interviennent dans l’activité neuronale de la mère dans une étude qui vient d’être publiée par le journal Frontiers in Psychology.
«Notre étude s’est focalisée sur le PTSD, le stress parental, et l’activité neuronale comme facteurs prédicteurs des comportements mère-enfant. Le gène NR3C1 qui code pour le récepteur glucocorticoïd est impliqué dans la dysrégulation de l’axe hypophysaire-pituitaire-adrénal chez les individus qui ont subi la violence depuis leur enfance et qui développent le PTSD. Avec pour hypothèse que le degré de méthylation du gène NR3C1 était corrélé de manière négative avec la sévérité de la psychopathologie d’une part. Et qu’il était au contraire corrélé de manière positive avec l’activité du cortex préfrontal médial (CPFm). Au final, nous voulions tester l’hypothèse que tous ces différents niveaux avaient un effet chez l’enfant», explique Daniel Schechter, professeur au Centre de neurosciences de l’Université de Genève. « Et en fait, la cooperativité des enfants pendant les interactions mères-enfants est significativement et positivement corrélé avec la méthylation du gène NR3C1 et avec l’activité neuronale du CPFm », dit il. A notre connaissance, cette étude est la première à être publiée qui montre une convergence des données mettant si clairement en évidence un endophénotype maternel à risque : méthylation du gène NR3C1 et activité CPFm basses qui sont associées avec le stress parental haut et la cooperativité basse de l’enfant.
Pour cet article en particulier, ce sont 45 mères avec leurs enfants âgés de 12 à 42 mois qui ont été scannées. Les mères étaient toutes volontaires, recrutées au moyen de formulaires d’information mis à disposition dans des lieux publics, de soins ou spécialisés dans le suivi de la violence domestique. Le protocole comportait plusieurs étapes au cours desquelles un lien avec la mère était créé. Après un premier rendez-vous filmé sans l’enfant, la mère était invitée une quinzaine de jour plus tard avec son enfant. Lors de cette deuxième rencontre, les sujets étaient placés face à des situations de la vie courante comme la séparation, les retrouvailles, l’exposition à la nouveauté ou l’irruption d’un clown dans la pièce. Les scientifiques observaient alors la réaction de l’enfant d’une part et la manière dont mère et enfant réagissaient ensemble. Les mères qui étaient éligibles pour l’examen IRM et ont souhaité y participer ont passé un IRM conduit par Dominique Moser. «Ce qui est passionnant, c’est que la dysrégulation du système limbique est un véritable miroir de la dysrégulation observée chez la mère et entre la mère et l’enfant, » ajoute Daniel Schechter. L’étude était également menée en collaboration avec le laboratoire épigénétique d’Alexandre Dayer et Ariane Paolini-Giacobino.
Une intervention thérapeutique brève basée sur la technique de video feedback destinée à traiter la relation entre les mères traumatisées et leur enfant est en cours de préparation. Les chercheurs souhaitent en effet évaluer comment l’endophénotype maternel décrit dans l’article publié dans Frontiers (méthylation basse du gène NR3C1 et activité basse du CPFm) répondrait à cette intervention manualisée. Le chercheur, Sandra Rusconi Serpa (co-PI de l’étude) et leur équipe espèrent mettre en place la partie traitement dès 2016.