Le Centre Ecotox fête ses 10 ans

Inge Werner à Berne le 23 octobre, lors de la journée-anniversaire. © 2018 Ecotox Centre

Inge Werner à Berne le 23 octobre, lors de la journée-anniversaire. © 2018 Ecotox Centre

Le Centre Ecotox se consacre à l’étude des effets de certaines substances chimiques sur l’environnement et au développement de stratégies permettant de réduire leur risque. Basé à Dübendorf, il possède une antenne à l’EPFL. Le Centre a fêté ses 10 ans mardi 23 octobre à Berne. Interview de sa directrice, Inge Werner.

Mardi 23 octobre à Berne, le Centre Ecotox a fêté son 10e anniversaire. Basé à Dübendorf, le Centre possède une antenne à l’EPFL qui se concentre sur l’écotoxicologie des sols et des sédiments. Le chercheur Benoît Ferrari supervise l’équipe.

Quelles sont les principales réalisations du Centre depuis 10 ans? Quels défis doit-il relever à l’heure actuelle? Entretien avec Inge Werner, directrice du Centre Ecotox à Dübendorf.

Pourquoi ce centre a-t-il été créé en 2008?

Le Centre Ecotox a été fondé sur décision du Conseil fédéral et du Parlement suisse afin de pérenniser la recherche axée sur la pratique dans le domaine de l’écotoxicologie, ainsi que les services et la formation continue afférents à ce domaine. La volonté d’établir le centre découle d’une requête soumise par Maya Graf, conseillère nationale du Parti écologiste. Le centre avait pour mission d’assurer l’avenir de la recherche basée sur la pratique, des services et du perfectionnement dans le domaine de l’écotoxicologie, et de combler ainsi une partie des lacunes engendrées par la fermeture de l’institut de toxicologie de Schwerzenbach en 2001.

Quels principales actions le laboratoire a-t-il concrétisées ces 10 dernières années?

Le Centre Ecotox utilise régulièrement des essais biologiques pour examiner les échantillons d’eaux usées et pour évaluer les techniques modernes de traitement. Par exemple, dans le projet «Stratégie Micropoll», le Centre a utilisé des essais biologiques sélectionnés pour surveiller les effets de certaines substances sur les organismes aquatiques dans les eaux usées traitées. Le centre a ainsi contribué à faire adopter une nouvelle ordonnance de protection de l’eau qui a conduit les usines de traitement des eaux usées en Suisse à intégrer plus largement un traitement à l’ozone ou au charbon actif.

En 2015 et 2017, le Centre Ecotox a participé à des études spécifiques dans le cadre de l’Observation nationale de la qualité des eaux de surface (NAWA SPEZ), un programme mis sur pied par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et les autorités cantonales. Les investigations ont révélé que les petits cours d’eau suisses en zone d’exploitation agricole contenaient non seulement de nombreux pesticides dans des concentrations qui dépassaient les limites légales, mais posaient aussi un risque écotoxicologique considérable pour les organismes aquatiques, en particulier quand les mélanges chimiques mesurés sont pris en considération.

Afin d’évaluer le risque pour l’environnement que représentent les substances chimiques par rapport à leur toxicité, des critères de qualité basés sur les effets de ces substances sont utilisés comme valeurs-seuils. Le Centre Ecotox a dressé la liste des substances chimiques prioritaires qui préoccupent particulièrement l’OFEV et a établi pour elles des critères de qualité en conformité avec les directives de l’Union européenne. À ce jour, le Centre Ecotox a établi des critères de qualité de l’eau pour huitante-huit micropolluants organiques, dont cinquante-cinq doivent être inscrits dans la version actualisée de l’ordonnance suisse sur la protection des eaux.

À l’heure actuelle, il n’existe aucune méthode harmonisée pour évaluer la qualité des sédiments en Suisse. Le Centre Ecotox travaille donc en collaboration avec l’OFEV sur un module «Sédiments» pour le système modulaire gradué. L’objectif est d’établir une méthode générale pour l’évaluation écotoxicologique de la qualité des sédiments, qui inclut le prélèvement des échantillons, le développement de critères de qualité des sédiments pour certaines substances prioritaires et l’utilisation d’essais biologiques et d’indices basés sur les communautés.

Par ailleurs, le Centre Ecotox travaille actuellement sur l’élaboration de concepts et de recommandations pour évaluer la qualité des sols en utilisant des approches écotoxicologiques. Le Centre apporte également son aide à l’OFEV et à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) pour développer une stratégie de surveillance des produits phytosanitaires dans les sols.

Quels sont les prochains défis et comment la structure ECOTOX s’y prendra-t-elle pour les relever?

La science de l’écotoxicologie est en constante évolution et, chaque jour, de nouvelles substances chimiques font leur apparition sur le marché. Pour faire face aux problèmes à venir dans le domaine de la surveillance de l’environnement, il sera nécessaire de développer des outils d’évaluation complets basés sur des approches «omiques» (transcriptomique, protéomique, métabolomique) et également de recueillir plus de données pour instaurer le concept du «parcours de l’effet néfaste» (AOP, ou Adverse Outcome Pathway). Parallèlement à cela, les méthodes à base d’ADN pour identifier des communautés d’organismes ou des espèces invasives devraient devenir une pratique courante. Le développement de l’application pratique de ces outils sera un aspect majeur de nos prochains travaux.


A droite, Benoît Ferrari, qui supervise l'antenne du Centre Ecotox de l'EPFL. © Ecotox Centre 2018