«Le bois est intéressant s'il est utilisé intelligemment»
Le travail de Master de Matthieu Fehlmann l’a conduit en Australie. L’ingénieur civil de l’EPFL y a travaillé sur les moyens possibles pour stabiliser latéralement un bâtiment en bois de huit étages sans avoir recours au béton. Une aventure humaine et formatrice dans un pays aux normes de constructions différentes.
Les discussions sur le thème de la construction rythment régulièrement les repas de la famille Fehlmann. Matthieu Fehlmann, alumnus en génie civil, assure la relève en incarnant la troisième génération d’ingénieurs et architectes. «On a tous cela dans le sang», plaisante l’ex-étudiant de l’EPFL, fraîchement engagé dans un bureau d’ingénieur de la région. Ses études l’ont amené à s’intéresser de plus près aux grandes structures en bois et à leurs capacités à résister aux forces horizontales, comme les charges sismiques. Il en a fait l’objet de son travail de Master réalisé en Australie.
Avant de mettre le cap à l’autre bout du monde, Matthieu Fehlmann, qui se décrit comme un «esprit cartésien», s’est engagé naturellement vers des études en génie civil. Bien que bon élève au gymnase, sa première année à l’EPFL se révèlera toutefois plus difficile qu’attendu, l’obligeant à redoubler et à suivre le cours de mise à niveau (MAN). «Cette période m’a finalement redonné confiance et confirmé que j’étais dans la bonne section.» Plus il avance dans son cursus, plus «il apprend à travailler», aiguisant ses connaissances et ses intérêts personnels dans le domaine. Le natif de Saint-Saphorin-sur-Morges profite pleinement des avantages du campus de l’EPFL et de la vie estudiantine, entre activités sportives régulières sur l’eau comme sur terre et coaching des premières années en génie civil. En parallèle, il fonde une association de foot avec des amis du gymnase qu’il préside depuis sa création en 2019.
Sortir des sentiers battus
Inscrit en Master dans la filière «structure», il choisit de réaliser son stage obligatoire dans un bureau d’ingénieurs zurichois. Sur place, il assiste un jour à une présentation d’un projet de construction en bois de grande envergure en Australie. «Cela a éveillé ma curiosité, d’autant plus que j’avais suivi un cours sur ce matériau en plein développement et toujours plus valorisé pour ses caractéristiques écologiques.» De fil en aiguille, il reprend contact avec le chef de projet zurichois qui l’aide à mettre sur pied son travail de Master en Australie dans une entreprise spécialisée dans le domaine. «J’aime me lancer des défis et sortir des sentiers battus. Travailler à Sydney me donnait l’opportunité de comprendre comment cette technologie était déployée sur place avec des normes de construction différentes d’ici. C’était aussi l’occasion d’améliorer mon anglais.»
Résister aux tremblements de terre
Sa mission consistait à travailler sur un bâtiment en bois de huit étages érigé en Tasmanie. En particulier, sur sa stabilisation horizontale, face aux éléments comme le vent, les chocs et les tremblements de terre. L’ingénieur a modélisé une variante de cet édifice avec une contrainte de taille: retirer le noyau central, élément rigide en béton armé dont l’usage était à l’origine d’assurer cette stabilisation latérale. Et réfléchir comment obtenir une structure entièrement en bois, mais toujours aussi résistante. «Cela a engendré des modifications sur la manière d’assembler les éléments, précise-t-il. Et pour rendre l’exercice encore un peu plus complexe, cette modélisation a été virtuellement déplacée en Nouvelle-Zélande, pays connu pour être situé dans des zones sismiques de grande ampleur. «Il a fallu analyser les réactions du bâtiment dans ce contexte bien particulier et optimiser sa structure en conséquence.»
Travailler à l’étranger dans des conditions très différentes de la Suisse a été «la plus belle expérience de ma vie», insiste-t-il. «Il a fallu faire preuve de souplesse, s’adapter aux différentes demandes des corps de métiers. Malgré les incertitudes de départ, nous avons réussi à réaliser un projet bénéfique pour toutes les parties.» Sa réflexion sur l’usage du bois a, elle aussi, évolué au gré de son apprentissage pratique. «C’est un matériau très intéressant en construction, mais seulement s’il est utilisé intelligemment, car il n’est pas applicable partout», explique-t-il en citant un exemple de mariage réussi entre bois et béton pour de grandes structures comme des passerelles.
Nos actes ont un impact sur la vie des gens et je trouve cela très valorisant.
Avant d’entamer le premier chapitre de sa vie professionnelle, Matthieu Fehlmann a pris son sac à dos et voyagé à travers l’Asie pendant trois mois. Le temps nécessaire pour sentir qu’il était temps d’entrer dans la vie active. Aujourd’hui, l’ingénieur, employé au sein d’un bureau lausannois, s’attaque à un nouveau projet ambitieux: le chantier de la gare de la capitale vaudoise. «Un projet complexe avec son lot de défis.» Ce qui le réjouit: «C’est un autre niveau d’engagement que les études. Nos actes ont un impact sur la vie des gens et je trouve cela très valorisant.»