Le bateau de SP80 est prêt à prendre son envol

L’équipe SP80 vient d’accrocher pour la première fois un kite à son bateau. ©2023 EPFL/SP80-CC-BY-SA 4.0

L’équipe SP80 vient d’accrocher pour la première fois un kite à son bateau. ©2023 EPFL/SP80-CC-BY-SA 4.0

L’équipe SP80 vient d’accrocher pour la première fois un kite à son bateau, une nouvelle étape vers la tentative de battre le record du monde de vitesse à la voile et d’atteindre 150km/h à la seule force du vent. Un projet qui rassemble depuis cinq ans alumni, étudiantes et étudiants de l’EPFL.


Fini la zone industrielle de Renens et le béton à perte de vue, les bureaux de SP80 sont désormais situés à quelques minutes de la mer, à Leucate, dans le sud de la France. Sur le lieu où l’équipe compte en 2024 battre le record du monde de vitesse à la voile, établi en 2012 à 65,45 nœuds (121,21 km/h) par Paul Larsen et son équipe.

Le long de la plage du Rouet, c’est précisément là que SP80 veut atteindre les 80 nœuds (150km/h). Et c’est ici qu’elle vient d’accrocher pour la première fois un petit kite à son bateau. Une nouvelle étape vers l’objectif qui stimule celles et ceux qui participent à l’aventure à imaginer, simuler, construire, tester. Puis, tout recommencer jusqu’à ce qu’une solution, un design presque parfait émerge. Pas de place au repos, le travail est intense, la quête du succès et le café font oublier la fatigue. «Si on se lance dans quelque chose et qu’on a des idées, on trouve des solutions pour avancer. Bien sûr, ça demande du temps et des sacrifices, mais on peut aller loin», relève Mayeul van den Broek, CEO et cofondateur de SP80 avec Benoît Gaudiot et Xavier Lepercq.

Les trois cofondateurs de SP80 (de gauche à droite), Mayeul van den Broek, Benoît Gaudiot et Xavier Lepercq. ©2023 EPFL/SP80-Guillaume Fischer-CC-BY-SA 4.0

En cinq ans, le rêve de trois potes qui se sont rencontrés dans le cadre de l’Hydrocontest, s’est mué en une entreprise soutenue par de prestigieux sponsors, à laquelle ont contribué plus de 80 alumni de l’EPFL. Actuellement, l’équipe compte une cinquantaine de personnes. Parmi ces passionnés qui œuvrent à aller le plus vite possible à la seule force du vent, onze employés de l’entreprise SP80 ainsi que 22 étudiants et une étudiante de l’EPFL. Ils participent à l’aventure via l’association SP80 qui fait partie des projets interdisciplinaires de l’initiative MAKE (lire encadré). Dans ce cadre, ils sont notamment coachés par Robin Amacher, ingénieur en matériaux et adepte de voile depuis l’enfance, et soutenus par la professeure Véronique Michaud. «C’est vraiment enrichissant. Le record c’est une finalité, mais à côté, il y a les relations qu’on tisse, le savoir qu’on éponge, en ayant ‘les mains dans la colle’ on apprend, c’est important pour la formation», souligne Tanguy Desjardin, président de l’association SP80 et étudiant en dernière année de Master en génie mécanique.

Un kite hors norme

Impliqué dans le projet depuis 2020, responsable de l’équipe kite, il a vu le bateau évoluer, «a appris à gérer son sommeil», pour mettre à l’eau en pleine nuit le premier prototype «qui ne flottait pas». Ou pour arpenter une piste d’aéroport, alors que tout le monde dort, afin de tester le kite qui devra propulser le bateau. «Actuellement, c’est là où on a le plus de boulot, nous devons concevoir une aile de 20-50m2 qui doit être capable de tenir les efforts générés pour faire avancer le bateau à très haute vitesse», note Tanguy Desjardin.

Le record c’est une finalité, mais à côté, il y a les relations qu’on tisse, le savoir qu’on éponge, en ayant ‘les mains dans la colle’ on apprend, c’est important pour la formation

Tanguy Desjardin, président de l'association SP80

Pour parvenir à la géométrie idéale, Thomas Velin, qui effectue son projet de Master EPFL au sein de SP80, a développé un outil permettant de simuler très rapidement des formes de kite différentes. «On doit inventer, sortir de ce qui existe déjà, casser les codes, c’est vraiment de la recherche» s’enthousiasme l’étudiant en mécanique. Et d’ajouter, «on manque beaucoup de pratique dans nos cours, là on peut appliquer nos connaissances. J’ai énormément appris, c’est rare de pouvoir participer à toutes les étapes d’un projet, jusqu’à la production avec les fournisseurs.»

Une partie de l'équipe de SP80 lors de la mise à l'eau publique du bateau sur le Lac Léman. © 2023 EPFL/SP80-Guillaume Fischer-CC-BY-SA 4.0

Le bateau de SP80 est composé de pièces qui n’avaient jamais été créées auparavant. Longue de 10 mètres, large de 7,5 mètres et dotée de foils superventilants, cette fusée maritime, réalisée au chantier naval italien Persico Marine, est unique. Et elle ouvre la voie à de nouvelles avancées en matière de propulsion vélique. «Pour l’association comme pour l’entreprise SP80, c’est important qu’il y ait une continuité après la tentative de record. Nous voulons utiliser les connaissances acquises pour rendre le transport maritime plus durable», explique Tanguy Desjardin.

Casques et masques à oxygène

Mais pour l’instant l’équipe de SP80 est entièrement focalisée sur les premières navigations avec le kite. Ces derniers mois, elle a pu intégrer tous les systèmes dans le bateau et finaliser son module de puissance. Pièce clé du bateau, cette structure permet d’aligner en permanence la force du kite tirant vers le haut et celle du foil principal tirant vers le bas. Elle doit être à la fois légère et résistante aux contraintes que ces forces lui imposeront à grande vitesse.

Si on se lance dans quelque chose et qu’on a des idées, on trouve des solutions pour avancer. Bien sûr, ça demande du temps et des sacrifices, mais on peut aller loin.

Mayeul van den Broek, cofondateur et CEO de SP80

Les deux pilotes, Mayeul van den Broek aux commandes du bateau, et Benoît Gaudiot à celles du kite, doivent maintenant s’exercer à adopter les bons réflexes pour naviguer de plus en plus vite. «Si le bateau se retourne, il ne va pas se casser mais se remplir d’eau, nous devons donc apprendre à nous en extraire en cas d’urgence», relève Mayeul. Les deux pilotes porteront casques et masques à oxygène, et ils ont récemment eu un cours de survie spécialement conçu pour SP80, et donné par des professionnels formant notamment des pilotes d’hélicoptère. Le challenge de la sécurité est vite compris lorsqu’on sait que le but de SP80 est d’aller 100 km/h plus vite qu’un bateau à moteur classique (qui va en moyenne à 50km/h). A 150km/h, chaque détail technique et comportement humain doit être parfaitement maîtrisé. Les nuits n’ont pas fini d’être courtes et la machine à café va encore turbiner.

Les deux pilotes, Mayeul van den Broek (à l'avant) aux commandes du bateau et Benoît Gaudiot à celles du kite. ©2023 EPFL/SP80-Guillaume Fischer-CC-BY-SA 4.0
L'initiative pédagogique MAKE vise à renforcer l'apprentissage disciplinaire par le biais d'applications pratiques. Les projets mis en œuvre dans le cadre de cette initiative favorisent le développement du savoir-faire et des compétences transversales essentielles tant à la réussite académique des étudiantes et étudiants qu'à leur insertion dans la vie professionnelle.

Auteur: Laureline Duvillard

Source: Projets MAKE

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