La Startup Champion Seed Night, révélatrice de talents depuis 10 ans
La dixième édition de la Startup Champion Seed Night a lieu ce jeudi 29 avril. Nicolas Durand, CEO de la spin-off Abionic, spécialisée dans les tests de dépistage rapide , revient sur sa participation à la première édition du concours, en 2012 et le parcours de son entreprise ces dix dernières années.
Vous avez participé à la première édition du concours Startup Champion Seed Night en 2012, dont la dixième édition, organisée conjointement par l’association EPFL Alumni, la vice-présidence pour l’innovation ainsi que Venturelab, se tient ce soir. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Au démarrage d’une start-up, toutes les occasions de se présenter au public, à des experts du milieu des start-up ainsi qu’à de potentiels investisseurs, sont importantes pour gagner de l’expérience. Ce concours était une excellente opportunité de « pitcher » notre message et d’obtenir un feedback afin de
l’améliorer. De plus, en tant que spin-off de l’EPFL, il était important d’être présents afin de gagner en visibilité au sein de l’écosystème du campus. Nous avons également participé au programme de mentoring de l’association des alumni (A3 à l’époque) qui nous a permis de bénéficier de conseils provenant d’entrepreneurs plus avancés dans leurs parcours, et cela nous a beaucoup aidés.
Votre entreprise vend aujourd’hui ses appareils dans de nombreux pays, compte une cinquantaine d’employés et de magnifiques locaux au Biopôle d’Épalinges. A l’époque de votre participation, comment vous imaginiez-vous 10 ans plus tard ? La manière dont votre start-up s’est développée est-elle très différente de ce que vous imaginiez ?
Avec mon cofondateur Iwan Märki, nous étions très optimistes à l’époque, avant de nous retrouver confrontés à la réalité : un environnement finalement assez peu favorable aux disruptions technologiques, notamment dans le domaine médical. Au départ, tout nous laissait penser que si nous arrivions à réaliser un miracle en développant cette technologie nanofluidique, cela représenterait une telle avancée dans le domaine du diagnostic médical, que la suite serait relativement facile. Or c’est finalement au moment de sécuriser les premiers fonds puis de convaincre les premiers centres médicaux pour des essais pilotes que les choses se sont révélées beaucoup plus compliquées. Notre écosystème local est fantastique pour faire démarrer des start-up high-tech : beaucoup d’aides au démarrage se sont développées ces dix dernières années, divers programmes de mentoring, et de manière générale il y a une bien meilleure compréhension des besoins ainsi que des conditions cadres nécessaires à la croissance rapide de ces entreprises .
Mais les besoins en financement sont énormes, et les investisseurs de type Venture Capital sont souvent limités à investir dans des secteurs très spécifiques comme le digital health, le blockchain ou le big data par exemple. Si vous ne remplissez pas toutes les cases, vous aurez de la peine à convaincre ces investisseurs qui restent très frileux en Suisse comme en Europe. Nous avions dès le départ la volonté de nous développer en Suisse Romande. Nous avons donc profité des atouts de notre région en trouvant des alternatives de financement avec des business angels et des family offices. Nous avons levé des fonds chaque année, mais jamais autant que nous l’espérions. Finalement le scandale Theranos - une start-up américaine de diagnostic rapide dont les dirigeants ont été inculpés pour fraude massive - , l’augmentation des charges administratives avec l’apparition de nouvelles normes en matière d’homologation (ISO 13485 & IVDR), le Covid-19 et finalement les accords-cadres avec l’Europe qui sont en train de sombrer, ont rendu la vie des start-up dans le domaine du diagnostic médical très difficile.
Pensez-vous que vous auriez pu être mieux préparé à affronter les difficultés que vous mentionnez ?
Un entrepreneur expérimenté qui a créé de nombreuses start-up, m’avait dit à l’époque de notre participation à la Startup Champion Seed Night qu’il vaut mieux être jeune, naïf et optimiste lorsque l’on décide de démarrer un tel projet. Il avait raison. Il faut bien entendu être bien formé, bien informé et avoir des épaules assez solides pour affronter les difficultés, mais une certaine insouciance quant aux challenges qui nous attendent s’avère nécessaire. D’ailleurs c’est la même chose pour nos investisseurs qui doivent faire preuve de beaucoup de courage et d’optimisme : le business plan ne se déroule jamais comme prévu et il faut souvent faire preuve de beaucoup de patience.
J'ai appris de ma passion pour la voltige aérienne que si on continue à penser à une erreur dans une figure, il est peu probable que l’on réussisse les autres. De même pour une start-up : il faut toujours garder la tête froide et regarder en avant.
Quelles sont les prochaines étapes pour votre start-up et quel est votre objectif pour ces dix prochaines années ?
Nous gardons espoir de devenir le prochain Logitech (rire). Nous nous battons tous les jours pour que l’entreprise grandisse et devienne un gros succès. Notre test de sepsis, dont on obtient les résultats en quelques minutes contre plusieurs heures actuellement, se développe très bien dans une dizaine de pays et contribue à sauver des vies tous les jours. Malheureusement il est encore peu présent en Suisse où les acteurs du domaine médical sont extrêmement méfiants. Nous sommes en recherche d’une grosse levée de fonds pour accélérer notre développement commercial. N’oublions pas que nous sommes face à des entreprises pharmaceutiques multinationales qui dépensent des centaines de millions en une seule année pour de nouveaux tests. Notre équipe est au top, nous avons des locaux idéalement équipés ainsi qu’une technologie fantastique : nous comptons bien croitre rapidement et démontrer un immense succès médico-commercial.
Quels conseils donnez-vous aux entrepreneurs qui démarrent, comme ceux qui participent à la Startup Champion Seed Night ?
Il faut s’intégrer le plus rapidement possible à un réseau d’entrepreneurs qui sont ouverts à partager leurs expériences. Cela permet d’éviter de nombreuses erreurs. Les consultants et les experts dans divers domaines liés à l’entreprise deviendront rapidement nécessaires, mais ces investissements ne sont pas de l’argent bien investi dans les premières années d’une start-up. Le premier objectif est de mettre en place rapidement et de manière très efficace les bonnes pratiques en bénéficiant de l’expérience de ceux qui sont passés par là. Finalement j’ai tiré un enseignement de ma passion pour la voltige aérienne et qui me sert encore aujourd’hui. En l’air, lorsqu’on rate une figure de l’enchaînement, ou qu’elle n’est pas tout à fait comme on la souhaiterait, il est impératif de se focaliser uniquement sur la suivante. Si on continue à penser à notre erreur, il est peu probable que l’on réussisse les autres. De même pour une start-up : il faut toujours garder la tête froide et regarder en avant.