«La rigueur est essentielle en maths comme en musique»

Denis Steffen © Jamani Caillet / EPFL
Pour Denis Steffen, musique et science sont non seulement compatibles, mais elles se complètent. Ce jeune organiste, qui étudie l’ingénierie mathématique à l’EPFL, nous emmène dans un voyage à la croisée de ces deux domaines.
La musique s’est imposée naturellement à Denis Steffen lorsqu’il était enfant. «Je voulais jouer des instruments et surtout chanter, se rappelle l’étudiant à l’EPFL. Ensuite, je me suis rendu compte que la musique, c’était bien plus que juste du plaisir et qu’elle pouvait apporter beaucoup d’émotions non seulement au musicien, mais aussi à l’auditeur.»
Actuellement, Denis finit son master en ingénierie mathématique. Il consacre sa thèse de master aux avalanches et aux simulations de mouvements de masses en montagne. Mais ce n’est pas tout: en plus d’être mathématicien, il est aussi musicien professionnel. «J’ai étudié le chant au Conservatoire de Strasbourg, raconte-t-il. J’ai toujours chanté des œuvres classiques dans des chorales ou en solo, et j’ai aussi chanté de la musique plus pop dans ma langue maternelle, l’alsacien. Pour moi, c’était important de valoriser cette langue et de développer la dimension régionale.» En 2013, il a enregistré un album solo, sur lequel il chante des pièces classiques comme l’Ave Maria de Franz Schubert et Bist du bei mir de Gottfried Heinrich Stölzel. Il y interprète également la moitié des morceaux en alsacien, revisitant des chants traditionnels d’Alsace.
En 2014, pour relever un nouveau défi musical, Denis a commencé à jouer de l’orgue. Il voit cet instrument en quelque sorte comme le roi des instruments, puisqu’il permet de jouer tous les sons de l’orchestre, du violon aux trompettes, de la note la plus basse à une note extrêmement haute. «Nous pouvons jouer des morceaux doux, mais aussi des symphonies pleines de puissance et d’énergie. J’aime aussi l’orgue parce c’est l’un des instruments qui permettent le mieux et le plus facilement d’improviser, grâce à toute la palette de sons qui peuvent être assemblés par l’interprète.»

En 2020, Denis a terminé ses études de musique en obtenant un certificat de fin d’études supérieures. «J’ai étudié l’orgue au Conservatoire de Lausanne avec un professeur incroyable, excellent: Benjamin Righetti, précise l’étudiant. L’année passée, j’ai obtenu le certificat supérieur, qui est le plus haut diplôme décerné par le Conservatoire de Lausanne.»
Nous avons posé quelques questions à Denis:
Comment se fait-il que tu aies choisi des domaines aussi différents et quel pourrait être le lien entre une branche scientifique complexe comme les maths et un art flexible comme la musique?
Les sciences, la chimie et les maths m’ont toujours fasciné. Mon père enseigne les maths à l’école secondaire en France. J’ai choisi cette branche parce que je savais que je pourrais faire des expériences scientifiques à tous moments dans ma tête. De plus, j’aime visualiser des objets mathématiques complexes et essayer de comprendre comment ils fonctionnent et quelles peuvent être leurs applications.
En même temps, je me suis toujours intéressé à la musique, et en particulier au chant. A l’âge de 2 ou 3 ans, j’ai commencé à chanter avec mon grand-père et à la garderie. J’ai fait partie de plusieurs chorales pour enfants et j’ai aussi commencé à jouer du piano et de la guitare.
Je trouve que la science et la musique ont de nombreuses similitudes. Tout d’abord, je soulignerais que ces deux domaines demandent une rigueur incroyable: en maths pour être juste et en musique pour bien jouer. Cette excellence, c’est quelque chose qui me motive beaucoup et me pousse à faire de mon mieux. Ensuite, la musique comporte toujours un côté mathématique. Cet aspect peut découler directement de la perspective du compositeur ou de l’interprétation du musicien. Je peux par exemple déceler la logique mathématique derrière un morceau. Toutefois, la flexibilité offerte par l’interprétation de la musique ajoute un élément personnel à une performance, et c’est quelque chose qui n’est peut-être pas tellement évident en maths.

Pour vous, quel est le profil le plus intéressant, celui du mathématicien ou celui du musicien?
J’aime le profil du chercheur académique en mathématiques qui est focalisé sur la science, mais aussi celui de l’ingénieur qui travaille en industrie pour améliorer des choses en temps réel. Je ne voulais pas faire carrière en musique parce que je pense que les conditions peuvent être très instables et dépendent de nombreux facteurs aléatoires qu’on rencontre dans la vie. Toutefois, on trouve dans les deux domaines cette quête de l’excellence, un aspect que j’aime beaucoup car il pousse chacun à donner le meilleur de soi.
Quels sont vos plans pour l’avenir?
Professionnellement, j’aimerais travailler en mathématique financière comme analyste quantitatif, par exemple dans le marché de l’énergie. Côté musique, j’espère pouvoir donner des concerts très bientôt. J’ai un récital d’orgue que je suis prêt à donner ainsi que des concerts avec la chorale. Je prévois aussi d’enregistrer d’autres vidéos de musique où je joue sur différents orgues dans la région de Lausanne et en Alsace. A l’avenir, j’ai envie de chanter en alsacien pour entretenir cette culture et transmettre cette langue aux générations plus jeunes.
Avez-vous d’autres loisirs en dehors de la recherche et de la musique?
J’aime les montagnes et leur nature préservée, et surtout le cyclisme sur route et la randonnée entre des cols et sur des sommets. Toutes ces activités s’accordent avec ma passion pour la photo, en particulier les panoramas et la macrophotographie de fleurs et de petits animaux.
Qu’est-ce que vous aimeriez dire à ceux qui pensent que le cerveau humain a un penchant naturel vers les sciences ou l’art, mais pas les deux?
A mon avis, ceux qui pensent ça ne voient simplement pas la réalité. Un musicien qui ne réfléchit pas avec pragmatisme et rigueur n’atteindra pas l’excellence dans son art et aura plus de difficultés à long terme. Et il en va de même pour un scientifique qui manque de créativité pour explorer de nouveaux horizons ou tester des hypothèses ou des méthodes innovantes.
