La recherche IC de retour sur la scène européenne

Anastasia Ailamaki, Mathias Payer, Lenka Zdeborová and Pascal Fua © 2025 EPFL © 2025 EPFL
Anastasia Ailamaki, Mathias Payer et Lenka Zdeborová ont été sélectionnés par le Conseil européen de la recherche pour l'appel 2024 des subventions «ERC Advanced Grants» pour leurs recherches de pointe sur les systèmes de données, la sécurité des systèmes et les réseaux neuronaux. De même, Pascal Fua a reçu un Advanced Grant du Fonds national suisse de la recherche scientifique pour des recherches en ingénierie assistée par ordinateur.
Les outils de prise de décision alimentés par l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage machine (AM) ouvrent de nombreuses transformations à l’écosystème des entreprises. Pourtant, la croissance explosive de l’IA repose sur des avancées équivalentes dans le domaine du matériel et des systèmes de gestion de bases de données pour un accès et un traitement des données en continu.
Mais les performances logicielles doivent faire face à un compromis: les systèmes actuels peuvent évoluer grâce à une spécialisation pour une plateforme matérielle ou être portables sur plusieurs plateformes; ils ne peuvent pas faire les deux. Dans le même temps, l’explosion du volume de données et des demandes d’AM/IA met les ressources à rude épreuve.
Afin de soutenir la croissance de l’IA, les systèmes de gestion de base de données doivent optimiser l’utilisation des ressources au moment de l’exécution, en transférant toutes les hypothèses préalables à l’exécution et la planification au moment de l’exécution, lorsque la charge de travail et les ressources disponibles sont connues. Ils doivent aussi être prêts à s’adapter aux changements de la charge de travail et des ressources en temps réel.
La professeure Anastasia Ailamaki, responsable du Laboratoire de systèmes et applications de traitement de données massives, a reçu un financement pour développer Prodasys, une approche de conception de système à haut risque et à haut rendement qui maximise l’adaptabilité, l’utilisation des ressources et l’évolutivité.
«Prodasys sera un cadre révolutionnaire pour la conception de systèmes utilisant l’optimisation inter-composants déclarative et adaptative, ce qui est démontré par une infrastructure système de bout en bout qui manifeste les principes précités et exécute des tâches ad hoc de gestion des données avec une performance et une utilisation maximales des ressources», déclare Anastasia Ailamaki.
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Nous sommes confrontés à une crise de confiance dans le développement de logiciels. Malgré des recherches approfondies en matière de sécurité des systèmes, les bogues logiciels sont courants et restent un vecteur d’attaque principal pour compromettre les systèmes. Malheureusement, les techniques formelles qui offrent de solides garanties de sécurité ne s’adaptent pas aux bases de code actuelles qui dépassent souvent les 100 millions de lignes de code. Et les techniques alternatives comme les tests logiciels automatisés sont intrinsèquement incomplètes et manqueront inévitablement certains bogues.
Dans le cadre de la deuxième bourse attribuée à la Faculté IC, le professeur associé Mathias Payer, responsable du Laboratoire HexHive, développera LEAPS (LEAst Privilege compartmentS), une approche innovante de compartimentage automatique et précis.
LEAPS décomposera des applications complexes en compartiments simples et isolés qui interagissent à travers des interfaces bien définies. Chaque compartiment bénéficie de privilèges minimaux, limitant les bogues à l’endroit où ils se produisent. La réalisation de LEAPS nécessitera des recherches révolutionnaires dans les domaines de la sécurité logicielle, des systèmes informatiques et de l’architecture informatique. Sur le plan des politiques, Mathias Payer et son équipe travailleront à définir les contraintes et les propriétés nécessaires pour les compartiments à moindre privilège.
«La complexité croissante des logiciels a dépassé la capacité des développeuses et développeurs à sécuriser tous les composants en interaction. Les mesures de sécurité actuelles ne font qu’augmenter le coût des attaques sans les prévenir complètement, ce qui signifie qu’elles restent courantes. C’est pourquoi nous proposons une approche révolutionnaire: tirer parti de la modularité pour créer de solides garanties de sécurité en compartimentant automatiquement et efficacement le code et les données dans des compartiments de faille à moindre privilège», explique Mathias Payer.
Tous les prototypes développés dans le cadre du projet LEAPS seront publiés en open source, contribuant ainsi à l’ensemble de la communauté de la sécurité.
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L’intelligence artificielle est à l’origine d’importantes avancées technologiques, mais comprendre la manière d’entraîner les réseaux neuronaux plus efficacement – avec moins d’énergie, en utilisant des ensembles de données plus petits et en obtenant une plus grande robustesse – reste malheureusement limité. Il est essentiel d’établir des principes théoriques solides sous-tendant ces technologies pour développer des applications d’IA encore plus efficaces, fiables et sûres.
Aujourd’hui, la professeure Lenka Zdeborová, affiliée à la fois à la Faculté informatique et communications et à la Faculté des sciences de base et responsable du Laboratoire de biophysique statistique, utilisera la bourse pour combler le fossé entre la compréhension des fondements théoriques des modèles d’IA antérieurs, tels que les réseaux neuronaux multicouches entièrement connectés, et la compréhension théorique de l’apprentissage avec des composants axés sur l’attention et des modèles de séquence, qui accusent un retard considérable.
Son projet de recherche portera notamment sur les questions suivantes: Comment les capacités d’IA émergent-elles avec l’échelle du réseau neuronal? Quelles sont les données et les ressources informatiques minimales requises pour atteindre un niveau de performance spécifique? Et comment peut-on théoriquement justifier les choix de conception dans les réseaux neuronaux, compte tenu des contraintes de structure des données et d’efficacité informatique?
«Inspirée par la physique théorique, notre approche se concentre sur des paramètres simplifiés et analytiquement exploitables afin de découvrir le fonctionnement interne des modèles de séquence et des réseaux neuronaux basés sur l’attention. En travaillant dans la limite des grandes dimensions, nous tirerons parti de méthodes issues de la physique statistique des systèmes désordonnés, des statistiques et des probabilités pour générer des informations susceptibles d’améliorer les algorithmes d’apprentissage et la conception de l’architecture des futurs systèmes d’IA», indique Lenka Zdeborová.
Les questions abordées dans cette proposition englobent des domaines tels que l’intelligence artificielle, l’apprentissage machine, le traitement des données statistiques et la théorie plus large de l’apprentissage.
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Nous vivons dans un monde rempli d’objets manufacturés de plus en plus complexes qui nécessitent une ingénierie intelligente pour être fonctionnels. Aujourd’hui, les pièces individuelles de ces objets sont souvent optimisées séparément. Le contrôle est rarement pris en compte au moment de la conception et beaucoup de bricolages manuels sont nécessaires.
Ces lacunes peuvent être attribuées en grande partie à la nature composite des objets de conception industrielle. Essentiellement, il s’agit d’assemblages de formes qui doivent s’emboîter et être optimisées conjointement. Malheureusement, les techniques d’optimisation actuelles reposent souvent sur des paramétrisations artisanales de formes de faible dimension ou sur des techniques de réduction de dimensionnalité avec des capacités de généralisation limitées, incapables d’explorer pleinement l’immense espace de conception typique, tout en gérant toutes les contraintes physiques et conceptuelles nécessaires.
Le professeur Pascal Fua, responsable du Laboratoire de vision par ordinateur, a reçu une subvention du FNS pour un projet ambitieux visant à remédier à ces lacunes en développant des pipelines entraînables de bout en bout qui simultanément: optimisent les pièces individuelles, imposent toutes les contraintes requises entre elles et exploitent efficacement les synergies entre la forme et la conception du contrôleur, sans avoir à limiter l’expressivité des modèles.
«Cette recherche nécessitera l’intégration de la physique, de la géométrie et de la topologie dans les réseaux profonds, la caractérisation et l’échantillonnage de l’espace de conception, et la co-conception pour la forme et le contrôle. À ce titre, elle a le potentiel de changer radicalement la façon dont l’ingénierie assistée par ordinateur est réalisée», précise Pascal Fua.