La première plus grande carte 3D de l'Univers dévoilée

DESI making observations in the night sky © KPNO/NOIRLab/NSF/AURA/T. Slovinský

DESI making observations in the night sky © KPNO/NOIRLab/NSF/AURA/T. Slovinský

Les premiers résultats du projet Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI), auquel l’EPFL a beaucoup contribué, ont permis de cartographier les galaxies et les quasars avec un niveau de détail sans précédent, et de mesurer la vitesse d’expansion de l’Univers sur 11 milliards d’années.

Le projet DESI est une collaboration internationale qui regroupe plus de 900 chercheuses et chercheurs issus de plus de 70 institutions réparties dans le monde entier, dont l’EPFL. Ses premiers résultats viennent d’être publiés et ont permis de créer la plus grande carte 3D des galaxies et des quasars de l’Univers jamais réalisée, avec un niveau de détail inédit.

Remonter le temps

Grâce à 5 000 minuscules robots installés sur le télescope Mayall de l’observatoire de Kitt Peak situé aux États-Unis, les chercheuses et chercheurs peuvent remonter le temps jusqu’à 11 milliards d’années. C’est la première fois que des scientifiques mesurent l’histoire de l’expansion de cette période lointaine, c’est-à-dire de 8 à 11 milliards d’années, avec une précision meilleure que 1 %. La nouvelle carte surpasse toutes les cartes spectroscopiques 3D précédentes combinées et confirme les bases de notre meilleur modèle de l’Univers.

La lumière provenant d’objets éloignés dans l’Espace vient d’atteindre l’instrument DESI, ce qui nous permet de cartographier notre Cosmos tel qu’il était à ses débuts et de retracer son développement jusqu’à aujourd’hui. Comprendre l’évolution de notre Univers est lié à la façon dont il se termine et à l’un des plus grands mystères de la physique: l’énergie noire, autrement dit l’élément inconnu qui provoque l’expansion de plus en plus rapide de notre Univers.

Aujourd’hui, des chercheuses et chercheurs partagent l’analyse des données collectées lors de leur première année dans de nombreux articles disponibles au public.

«Nous sommes incroyablement fiers des données qui ont produit des résultats de cosmologie de premier plan mondial. Ce sont les premiers résultats issus de la nouvelle génération d’expériences sur l’énergie noire», déclare Michael Levi, directeur de la collaboration DESI et scientifique au Laboratoire national Lawrence Berkeley du ministère américain de l’énergie (Laboratoire Berkeley), qui gère le projet. «Pour l’instant, nous remarquons une concordance fondamentale avec notre meilleur modèle de l’Univers, mais nous observons également des différences potentiellement intéressantes, qui pourraient indiquer que l’énergie noire évolue au fil du temps. Ces différences pourraient ou non disparaître avec davantage de données. Nous sommes donc impatients de commencer prochainement l’analyse de notre ensemble de données collectées sur trois ans.»

Des scientifiques de l’EPFL ont contribué au projet DESI dans le cadre du développement de la stratégie de ciblage de l’étude (choix des galaxies à observer), et du développement du système robotique de positionnement des fibres, y compris les tests de vérification de l’inclinaison sur certains positionneurs DESI afin de valider leurs performances. Ce système a été réalisé dans le cadre du groupe interdisciplinaire «Astrobots», qui comprend le Laboratoire d’Astrophysique (LASTRO) de l’EPFL ainsi que les équipes de Mohamed Bouri et de Denis Gillet de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur.

Un groupe de jeunes scientifiques du Laboratoire LASTRO s’est également beaucoup impliqué dans l’interprétation de l’immense quantité de données provenant de DESI, en caractérisant leur signification physique par la création d’une modélisation numérique avancée et la simulation de notre Univers.

«L’observation DESI sur une année, avec plus de 6 millions de galaxies et de quasars, sera plus performante que les relevés SDSS des deux dernières décennies. Pour exploiter pleinement cet excellent ensemble de données, nous devons étudier en détail les artefacts d’observation qui nous empêchent d’obtenir des paramètres cosmologiques précis», explique Jiaxi Yu, doctorant au Laboratoire LASTRO et principal auteur de l’un des articles récemment publiés. «L’interprétation des données d’observation nécessite la création de milliers d’univers jumeaux numériques afin de valider et de quantifier la précision inégalée de nos mesures», ajoute Daniel Forero-Sanchez, un autre doctorant du Laboratoire LASTRO.

«C’est extraordinaire de pouvoir participer à ce projet mondial qui recueille chaque mois des données sur plus d’un million de galaxies», affirme Jean-Paul Kneib, professeur à l’EPFL et directeur du Laboratoire LASTRO. «Nous sommes dans l’âge d’or de la cosmologie, avec des études à grande échelle en cours ou sur le point d’être lancées, parmi lesquelles le Square Kilometer Array auquel participent également la Suisse et l’EPFL. Tout cela nous aide à mieux comprendre la dynamique de notre Univers, son contenu et ses propriétés fondamentales.»

Avec seulement un an de données DESI, les chercheuses et chercheurs peuvent déjà mesurer l’histoire de l’expansion de notre Univers sur sept tranches différentes du temps cosmique, chacune avec une précision de 1 à 3 %. L’équipe a accompli un travail considérable pour prendre en compte les subtilités de la modélisation instrumentale et théorique, ce qui donne confiance dans la fiabilité des premiers résultats.

La précision globale de DESI sur l’histoire de l’expansion à travers les 11 milliards d’années est de 0,5 %, et l’époque la plus lointaine, couvrant 8 à 11 milliards d’années, a une précision record de 0,82 %. Cette mesure de notre jeune Univers est incroyablement difficile à effectuer. Pourtant, en l’espace d’un an, DESI est devenu deux fois plus performant pour mesurer l’histoire de l’expansion à ces époques lointaines que son prédécesseur (BOSS/eBOSS du Sloan Digital Sky Survey), qui a mis plus d’une décennie à le faire.

La science à la pointe du progrès

DESI est la première expérience spectroscopique à réaliser une «analyse à l’aveugle», qui dissimule le véritable résultat aux scientifiques pour éviter tout biais de confirmation subconscient. Les chercheuses et chercheurs travaillent dans l’obscurité avec des données modifiées, en rédigeant le code pour analyser leurs résultats. Une fois que tout est finalisé, ils appliquent leur analyse aux données originales pour révéler la véritable réponse. Les données de DESI serviront à compléter les futures études du ciel et à préparer une mise à niveau récemment recommandée (DESI-II).

La collaboration DESI est honorée d’avoir la possibilité de mener des recherches scientifiques sur l’Iolkam Du’ag (Kitt Peak), une montagne qui revêt une importance particulière pour la nation Tohono O’odham.

Financement

DESI bénéficie du soutien de l’Office of Science du ministère américain de l’énergie et du National Energy Research Scientific Computing Center, un centre d’utilisateurs de l’Office of Science du ministère américain de l’énergie. DESI bénéficie également du soutien de la National Science Foundation des États-Unis, du Science and Technology Facilities Council du Royaume-Uni, de la Gordon and Betty Moore Foundation, de la Heising-Simons Foundation, du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de France, du Conseil national des lettres, sciences et technologies du Mexique, du ministère de la science et de l’innovation de l’Espagne et des institutions membres de DESI. L’EPFL et le Fonds national suisse de la recherche scientifique ont contribué à hauteur de près de 1 million CHF à la construction de DESI.


Auteur: Tanya Petersen

Source: EPFL

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