La marche d'un individu en dit long sur sa santé

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Considérée comme le 6e signe vital, la mobilité est un précieux indicateur de l’état de santé d’une personne, surtout lorsqu’elle est âgée. Alors pourquoi ne pas la mesurer? Dans le cadre d’un important projet européen, des chercheurs de l’EPFL travaillent sur un appareil permettant de l’évaluer avec précision.

Notre manière de marcher est un témoin direct de notre état de santé. Elle est même un indicateur du nombre d’années qu’il nous reste à vivre. Démontrés par plusieurs études menées auprès de milliers de patients au cours des deux dernières décennies, ces constats sont à la base d’un ambitieux projet européen. Dénommé MOBILISE - D, il réunit dans un consortium 34 partenaires académiques, pharmaceutiques et industriels, dont l’EPFL. Au Laboratoire de mesure et d’analyse des mouvements (LMAM) de la Faculté des sciences et techniques de l'ingénieur, des chercheurs travaillent sur la mise au point d’un appareil destiné à mesurer la marche d’individus dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Le projet est officiellement lancé aujourd’hui.

La vitesse de marche est de plus en plus souvent considérée comme le sixième signe vital, au même titre que la température corporelle, la tension artérielle, la respiration, le pouls et la douleur. «Il a été prouvé que les personnes âgées qui parcourent moins d’un mètre par seconde rencontrent en moyenne plus de problèmes de santé, relève Kamiar Aminian, qui dirige le LMAM. A l’inverse, celles qui ont une bonne mobilité ont de meilleures fonctions cognitives, développent moins de maladies, font moins de chutes et restent moins longtemps à l’hôpital. Un lien direct a même pu être établi entre marche et longévité.»

Se donner les moyens d’évaluer la marche est donc important, soulignent les leaders du projet, pour des questions de prévention ainsi que le développement de nouveaux médicaments et outils thérapeutiques, surtout dans une Europe où les plus de 65 ans représentent désormais près de 20% de la population. Une telle mesure est aussi d’autant plus pertinente qu’elle est simple à réaliser: avec les appareils actuels, quelques pas sur une distance de trois ou quatre mètres suffisent pour collecter des informations de base sur la vitesse moyenne du patient. Mais avec ce projet, il s’agit d’aller beaucoup plus loin dans la précision et dans la liste des paramètres à prendre en compte.

Etudier la lenteur

«L’un de nos défis principaux sera de développer un système portable capable d’analyser de manière fiable les personnes qui se déplacent très lentement, ce qui est actuellement plus difficile et sujet à une bien plus grande marge d’erreurs qu’en présence d’une cadence rapide», précise Kamiar Aminian.

Ensuite, l’appareil, prévu pour être utilisé dans la vie quotidienne, devra être très simple et ne compter qu’un seul capteur. Il doit distinguer si les pas sont intentionnels et aussi pouvoir faire la différence entre les périodes de marches, c’est-à-dire les moments où on s’arrête, freine, tourne sur soi-même, change de direction ou de vitesse. Enfin, des données telles que le nombre, la longueur et l’élévation des pas, ou encore la régularité du mouvement ou une éventuelle boiterie doivent également être intégrées. Côté précision, les algorithmes devront capter des variations de 5 cm par seconde, prouvées pour être déjà significatives au niveau de la santé. Afin de parvenir à réaliser cette partie technique, plusieurs laboratoires spécialisés provenant du monde entier, dont celui de l’EPFL, travaillent ensemble, partageant résultats et données.

Lancé à l’initiative de la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) et dirigé par l’Université de Newcastle, en Grande-Bretagne, MOBILISE-D est un projet à 50 millions d’euros, dont 29 financés par l’Union européenne. Il est prévu sur cinq ans, dont deux pour la partie technique et trois pour les tests cliniques.

Site internet www.mobilise-d.eu

Quelques études sur la marche en tant que 6e signe vital:

  • Jerome, Gerald J., et al. "Gait characteristics associated with walking speed decline in older adults: results from the Baltimore Longitudinal Study of Aging." Archives of gerontology and geriatrics 60.2 (2015): 239-243.
  • Miller, Michael E., et al. "Gait Speed and Mobility Disability: Revisiting Meaningful Levels in Diverse Clinical Populations." Journal of the American Geriatrics Society 66.5 (2018): 954-961.
  • Studenski, Stephanie, et al. "Gait speed and survival in older adults." Jama 305.1 (2011): 50-58.