La maison de paille en première ligne des constructions durables
Pour la première fois un laboratoire de l’EPFL dresse le bilan énergétique complet d’une maison en paille, de la plantation à la destruction des matériaux. Les résultats s’appuient sur le cas concret d’un bâtiment administratif en ville de Lausanne, ECO-46.
40% de l’énergie consommée dans le monde est celle dont on a besoin dans le bâtiment. Avec la stratégie énergétique 2050, la Suisse doit augmenter les recherches en énergies renouvelables, baisser ses besoins énergétiques et se rendre moins dépendante de l’électricité achetée en masse. S’ensuit une intensification de la rénovation et des règles drastiques pour les nouveaux bâtiments. Dans ce contexte, la question des matériaux à utiliser se place au premier plan. La construction en paille est-elle intéressante par rapport au béton ? Arrivera-t-on à atteindre les niveaux d’exigence des labels ?
La doyenne des maisons en paille a 112 ans
La Suisse compte une trentaine de maison de paille, la France a le bâtiment le plus haut d’Europe avec huit étages en murs préfabriqués. La plus vieille maison a 112 ans et a été construite au Nebraska. Il ne s’agit donc pas de constructions éphémères et l’une d’entre elles vient, pour la première fois, de faire l’objet d’une analyse complète sur son comportement énergétique par le Laboratoire d'Energie solaire et de Physique du Bâtiment (LESO-PB) de l’EPFL.
Adrien Chaussinand a catégorisé scientifiquement une maison de paille et analysé plusieurs critères. Il a mené son expertise sur ECO-46, une construction qui abrite l’administration des parcs et jardins de Lausanne. De l’extérieur, rien ne la différencie des autres bâtisses, pourtant elle est construite en bottes de paille.
L’ingénieur a procédé à une simulation thermique dynamique, grâce à un outil développé au LESO pour caractériser le bâtiment. Il a également établit un bilan électrique, ainsi que l’analyse du cycle de vie, c’est à dire toute l’énergie que l’on a apportée au bâtiment, de la plantation de la graminée à la destruction de l’ouvrage. «Si on réutilisait l’ensemble des bottes comme combustible dans un chauffage urbain lors de la destruction du bâtiment, on arriverait à un bâtiment quasiment passif, c’est à dire avec un impact quasi nul sur l’environnement, explique t’il».
Il y a bottes de paille et bottes de paille
Il faut tordre le cou aux clichés : les bottes de paille, utilisées dans la construction ne débarquent pas directement du ventre des moissonneuses-batteuses. Pour la construction, une botteleuse performante est utilisée pour les compresser de manière homogène. Très denses - 250 kg par m3 – elles se comportent comme du bois et ne prennent pas facilement feu.
«La France, par exemple, permet aujourd’hui de construire des bâtiments publics avec ce matériau», explique Adrien Chaussinand. ECO-46 a été bâtie en paille porteuse, c’est à dire sans autre structure que des bottes de paille. Les murs sont ensuite recouverts d’un enduit terreux respirant (un torchis), et la toiture vient s’appuyer sur les bottes pour maintenir l’ensemble.
Un bâtiment qui a demandé 50 tonnes de terre, 45 tonnes de paille soit 260 bottes, et du bois de la région transformé sur place. Ses qualités écologiques n’en sont pas moins technologiques puisqu’il est équipé de triples vitrages, d’une ventilation double flux accompagnée d’une ventilation naturelle nocturne en été, de panneaux photovoltaïques, d’un toit végétalisé, d’un éclairage économe et fractionné et d’un chauffage à pellets.
Des choix énergétiques qui ont déjà porté leur fruits car ECO-46 bénéficie depuis 2 ans d’une facture d’électricité nulle, sa surproduction étant réinjectée dans le réseau lausannois. Le bâtiment consomme moins de 10kWh -soit moins d’un franc suisse- par m2 et par année et a obtenu le label Minergie. De nombreux travaux vont pouvoir s’appuyer sur celui publié par Adrien Chaussinand car cela n’avait jamais été fait de manière aussi précise jusque là.