La glace bleue de l'Antarctique cartographiée du ciel

Mission de terrain au glacier Union, Antarctique 2022, en collaboration avec antarcitca.cl (Universidad de Santiago Chile, USACH). © José Jorquera

Mission de terrain au glacier Union, Antarctique 2022, en collaboration avec antarcitca.cl (Universidad de Santiago Chile, USACH). © José Jorquera

La glace bleue de l’Antarctique est riche en informations pour les scientifiques, mais ne représente qu’environ 1% du continent. Un outil utilisant l’intelligence artificielle permet de la cartographier sur la base de données satellitaires.

Rien ne semble davantage monochrome que l’Antarctique : plus de 14 millions de km2 de blanc, de glace et de froid. Par endroits pourtant émergent quelques touches bleu clair, offrant un contraste saisissant et l’occasion pour les rares personnes s’y rendant de ramener un cliché de toute beauté. Mais ces nuances azurées représentent, pour certains scientifiques, l’indice d’un trésor relâché par ces hectares de glaces en apparence inertes: des météorites.

La glace bleue est ancienne, témoin d’une époque qui remonte à certains endroits à plus de 2 millions d’années. Habituellement enfouie sous des centaines de mètres de glace, elle se forme dans des endroits où la couche continentale est plus élevée et où des phénomènes d’abrasion de surface font apparaitre ces couches formées en profondeur. Ces zones sont très recherchées par les glaciologues puisqu’elles permettent un accès à cette couche ancienne sans carottage profond et qu’elles recèlent des météorites, riches en information sur l’espace, ainsi que des roches terrestres difficiles d’accès. « Environ deux tiers de toutes les météorites récupérées sur Terre proviennent des zones de glace bleue de l'Antarctique », souligne Veronica Tollenaar, chercheuse invitée au Laboratoire de science computationnelle pour l'environnement et l’observation de la Terre (ECEO) et doctorante à l’Université libre de Bruxelles. Les BIA pour «Blue Ice Areas» ne représentent pourtant qu’à peine plus de 1% de toute la surface de l’immense continent de glace. On comprend donc aisément qu’une carte précise de ces zones de glace bleue permettra de faire gagner un temps précieux aux chercheurs.

Environ deux tiers de toutes les météorites récupérées sur Terre proviennent des zones de glace bleue de l'Antarctique

Mettez l'auteurVeronica Tollenaar, chercheuse invitée au Laboratoire de science computationnelle pour l'environnement et l’observation de la Terre (ECEO)

Un modèle d’apprentissage profond sur la base de données satellitaires

Sur la base de données de plusieurs satellites, la chercheuse a entraîné un modèle d’apprentissage profond à reconnaître avec certitude les zones convoitées. « Nous avons utilisé la rétrodiffusion radar, la morphologie de la surface, l'élévation et la réflectance multispectrale (une technologie utilisée pour isoler une seule longueur d’onde). » La prise en compte de toutes ces données permet de ne plus être dépendant, comme l’étaient les précédentes tentatives de cartographie, des biais liés au changement de la couverture de neige, des conditions liées au capteur telles que les angles d'illumination solaire, ou de la couverture nuageuse. Pour l’entraînement du modèle, les scientifiques ont utilisé un ensemble de données existantes, mais floues sur les contours de la BIA. L’intelligence artificielle a permis d’éliminer une grande partie du bruit et a été optimisée sur la base d'un ensemble réduit de données de validation « sans bruit », étiquetées à la main.

« Plusieurs laboratoires de l’EPFL travaillant sur la neige et la glace, ainsi que sur les météorites se montrent intéressés à utiliser cette cartographie », souligne Devis Tuia, directeur du Laboratoire ECEO au sein de la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC).

Références

Veronica Tollenaar, Harry Zekollari, Frank Pattyn, Marc Rußwurm, Benjamin Kellenberger, Stef Lhermitte, Maaike Izeboud, and Devis Tuia, "Where the White Continent Is Blue: Deep Learning Locates Bare Ice in Antarctica", Geophysical Research Letters, 2024.


Auteur: Cécilia Carron

Source: Laboratoire de science computationnelle pour l'environnement et l'observation de la Terre

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