La flexibilité au coeur du déploiement du photovoltaïque
Le succès de l’énergie solaire photovoltaïque dépend aussi d’un équilibrage de la production et de la consommation afin de l’intégrer dans les réseaux électrique au niveau basse-tension. Une thèse de l’EPFL étudie comment promouvoir la flexibilité afin d’y parvenir.
En moins de 10 ans, le coût de l’énergie photovoltaïque a été divisé par 5. A un niveau moyen de 6,8ct/kWh, l’énergie solaire est devenue compétitive et elle flambe d’autant plus qu’elle est disponible partout. Atout clé de la transition vers une société neutre en carbone, le photovoltaïque (PV) n’en pose pas moins un défi d’intégration dans le réseau, en particulier basse-tension. Dans sa thèse, Jordan Holweger, chercheur au Laboratoire de photovoltaïque et couches minces électroniques de l’EPFL, étudie comment promouvoir la flexibilité des systèmes PV pour atteindre leur déploiement à grande échelle dans les réseaux basse-tension.
Le principal problème de l’intégration d’une énergie renouvelable et produite localement dans le réseau reste son caractère intermittent. En cinq minutes, une médiocre journée d’automne peut ainsi provoquer une variation de l’irradiance d’un facteur 5 s’il y a un rayon de soleil. Alors que les foyers étaient consommateurs d’énergie, les toits équipés de PV se mettent soudain à en injecter dans le réseau. Cette inconstance imprévisible peut provoquer des surcharges de production, des dépassements des limites de tension ou autres dérèglements. Pour éviter ces risques, le chercheur a étudié si l’on pouvait miser sur la flexibilité pour tenter d’équilibrer la quantité d’énergie qu’un système donné consomme et produit. Ceci en considérant que la production se fera de manière distribuée, et non dans des centrales géantes, et donc intégrée essentiellement dans les réseaux basse-tension.
Deux leviers possibles
Premier levier possible : la flexibilité comportementale. En d’autres termes, est-il possible d’influencer les comportements de ménages avec des incitations financières ? Dans le cadre d’une expérience de terrain menée dans le Jura bernois, les chercheurs ont proposé une tarification alternative, plus avantageuse de 11 heures à 15 heures ou selon les prévisions météo à quelque 600 foyers non équipés de PV. « La réaction a été assez faible, reconnaît Jordan Holweger. Les ménages ont eu tendance à augmenter leur consommation aux heures de tarif bas sans pour autant réellement la diminuer aux heures plus couteuses. Il faut dire que les prix actuels de l’électricité en Suisse ne sont pas suffisants pour modifier les habitudes de consommation, les efforts ne se traduisant que par des économies de quelques francs. »
Les chercheurs ont aussi estimé le changement de comportement des nouveaux propriétaires d’installation PV. Là, ils constatent un tournant significatif du comportement de consommation grâce à la double incitation financière et morale. Les autoproducteurs d’énergie solaire ont un réel intérêt à consommer leur propre production de sorte à réduire leur facture. « Mais ce levier reste largement insuffisant pour le réseau», note le chercheur.
L’autre instrument pour contribuer à la flexibilité du système et limiter l’impact sur le réseau consiste en des mesures techniques telles que des batteries, des pompes à chaleur, des chauffages électriques et la réduction de la production PV. Là aussi le prix est le nerf de la guerre et seuls des tarifs réellement incitatifs pourront par exemple rendre l’achat de batterie intéressant. « Pour obtenir une réelle flexibilité, il faut aller la chercher avec des tarifs variables et des appareils intelligents afin que l’investissement devienne rentable », résume le chercheur. Une approche possible, pour éviter un renforcement du réseau, est que les gérants du réseau de distribution puissent, quand la situation l’impose, utiliser la flexibilité des différents éléments du système. En cas de surproduction par exemple, décider de charger les batteries, voir couper les onduleurs des panneaux photovoltaïques pour que la production d’énergie cesse.
Est-ce suffisant ? « Oui, répond le chercheur, pour un bon moment. » Et d’expliquer : « A partir de 70% d’énergie photovoltaïque, il faudrait renforcer le réseau basse-tension. En ville, où la production solaire est limitée, il n’y a pas de problème. Mais dans les campagnes, où les toits peuvent se couvrir de cellules solaires, si l’on joue sur les paramètres de flexibilité technique, on estime que l’on peut doubler cette proportion avant de devoir investir dans un réseau plus robuste. Mais cela implique d’avoir l’accord des propriétaires pour laisser le distributeur contrôler leur installation. Ce qui ouvre de nouvelles questions sur l’acceptabilité d’un tel mécanisme. »
Flexibility for large-scale deployment of PV systems in low-voltage grids, Jordan Holweger, 2021.