La détection précoce du cancer à portée de main

© 2012 EPFL

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Diagnostiquer un cancer en insérant une simple goutte de sang dans un appareil de petite taille: c'est le scénario sur lequel travaillent les chercheurs de l'EPFL. Dans le cadre d'un projet européen, ils ont élaboré un système de détection de la protéine HSP70, présente en large quantité dans le corps en cas de cancer. Le but visé : un diagnostic extrêmement précoce et de meilleures chances de guérison.


La protéine de stress HSP70, marqueur des cancers de la prostate, du colon, de l'œsophage, des poumons et du cerveau, pourrait être traquée de manière efficace par les médecins généralistes, pour l'établissement d'un diagnostic précoce. Dans le cadre d'un projet européen appelé Spedoc, les chercheurs de l'EPFL sont en train d'élaborer d'une plateforme de détection extrêmement sensible et facile d'utilisation, de la taille d'une petite mallette. Sa commercialisation est prévue pour 2014.

Le concept? Il s'agit de prélever une goutte de sang sur un patient, puis de l'insérér dans une puce quadrillée de minuscules canaux. A l'intérieur de ces canaux figurent des structures circulaires en or (de l'ordre d'un millionième de millimètres), recouvertes d'anticorps. Leur mission : retenir la protéine HSP70, lors de son passage. Lorsque le sang circule dans ces canaux, la protéine reste donc accrochée aux nanostructures, qui ponctuent par milliers le chemin parcouru par le sang dans les canaux. Les scientifiques utilisent ensuite des techniques d'optique avancées pour évaluer le nombre de protéines accrochées aux structures métalliques. S'il apparaît que ces dernières sont surexprimées dans l'échantillon de sang, des analyses plus approfondie devraient être menées, afin de détecter l'existence éventuelle de cellules cancéreuses dans le corps.

De la lumière pour la détection
A l'EPFL, deux scientifiques ont uni leurs forces dans le cadre de ce projet. A la tête du Laboratoire de caractérisation du réseau biologique (LBNC), Sébastian Maerkl s'occupe de développer la puce microfluidique d'1cm2, parsemée de canaux de la taille d'un cheveu. Cette dernière est destinée à séparer les composants du sang, une fois qu'il a été prélevé sur le patient.

Côté détection, il incombe à Olivier Martin, directeur du Laboratoire de nanophotonique et métrologie(NAM), de développer les nanostructures en or, ainsi qu'un processus d'identification de la protéine. «Notre technique consiste à illuminer les microcanaux à l'aide d'une lumière blanche. Dans le cas où une protéine est accrochée à une nanostructure, nous percevrons, lors de la réfraction de la lumière, de petits changements de longueur d'onde par rapport à la lumière initiale, c'est-à-dire des changements de couleur, qu'il est possible d'observer grâce à un spectromètre», explique-t-il. Sous l'effet de la lumière, les électrons d'une nanoparticule de métal se mettent en effet à osciller de manière collective. C'est ce qui s'appelle la résonance des plasmons de surface. Or cette vibration est différente selon qu'une nanostructure est accompagnée d'une protéine HSP70, ou seule. En mesurant ce qui se passe à l'interface des nanostructures, il est donc possible de détecter ou non la présence de protéine.» Un phénomène physique qui se produit uniquement lorsque les particules métalliques sont suffisamment petites. «La résonnance est tellement sensible qu'il est possible de détecter la présence d'infimes quantités de molécules», ajoute le scientifique.

Utile pour les médecins généralistes
Rapide et non-invasive, la méthode Spedoc comporte l'avantage de pouvoir remplacer les dispositifs coûteux, actuellement utilisés pour la détection de marqueurs. Au point d'être bientôt accessible à tous? «L'entreprise espagnole Cosingo, qui participe au projet, a déjà réalisé un prototype, mais de nombreux progrès restent à faire», lance Olivier Martin. «A terme, les généralistes pourraient utiliser notre plateforme lors de leurs contrôles de routine, afin de détecter les débuts de cancers de manière extrêmement précoce.»

Une révolution dans le monde de l'oncologie? Olivier Michielin, oncologue et professeur au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), nuance quelque peu. «Ce dispositif semble très intéressant. Mais si des taux élevés de HSP70 ont pu être mis en évidence dans différents types de cancers, la route reste toutefois longue jusqu'à l'utilisation de ce test en routine. Il faut, en particulier, faire la preuve que la détection précoce de HSP70 permet de changer la prise en charge clinique et amène un bénéfice réel au patient atteint d'une tumeur particulière.» Dans tous les cas, la plateforme Spedoc aura son utilité. «Une fois que le principe sera au point, nous pourrons l'adapter et l'utiliser pour détecter d'autres marqueurs», explique Sébastien Maerkl.

Plus d'informations:
Projet Spedoc : http://www.spedoc.eu/


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL