La couleur rouge révèle un éblouissement insoupçonné jusqu'ici

Jan Wienold présente les filtres de couleur utilisés dans l'expérience menée par le laboratoire LIPID. 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0
Une étude de l'EPFL montre que la lumière rouge, tout comme la lumière bleue, provoque un éblouissement plus important que la lumière blanche. Ceci remet en question une fonction de sensibilité centenaire de référence qui décrit la façon dont l'œil humain réagit aux différentes longueurs d'onde de la lumière, avec des implications sur les normes, la recherche et le confort visuel à l'intérieur des bâtiments.
L'éblouissement causé par la lumière du soleil peut être une source majeure d'inconfort pour les occupantes et occupants d'un bâtiment. En particulier lorsque les fenêtres ne sont pas assez ombragées. Les nouvelles technologies de vitrage intelligent visent à offrir une protection contre le soleil et l'éblouissement en réduisant le rayonnement transmis. La majorité de ces technologies de vitrage changent leur couleur en prenant une teinte bleue.
Les mesures et normes qui permettent actuellement de prédire l'éblouissement et de caractériser les propriétés des matériaux se basent sur la «fonction de sensibilité spectrale V(λ)». Cette fonction, qui a plus d’un siècle, décrit la perception et la sensibilité moyenne de l'œil humain à la lumière sur différentes longueurs d'onde. Une étude menée par des chercheuses et chercheurs du Laboratoire de performance intégrée au design (LIPID) de l'EPFL invalide cette fonction et pourrait non seulement bouleverser la réflexion qui sous-tend ces normes, mais aussi modifier la recherche et la pratique dans ce domaine.
Comme la lumière bleue
Jusqu'ici, les scientifiques pensaient que seules les sources de lumière bleue causaient plus d'inconfort qu’une lumière blanche de même intensité. Ces conclusions proviennent de recherches menées sur les phares à LED pour voitures. L’étude réalisée à l’EPFL révèle toutefois que la lumière rouge présente un comportement similaire à celui de la lumière bleue.
Pour parvenir à ces résultats, Sneha Jain, première autrice et ancienne membre de l'équipe LIPID, a mené des tests avec de vrais sujets dans un espace à la lumière contrôlée. En période d’ensoleillement, lorsque le soleil était bas et visible à travers le vitrage, les participantes et participants ont dû évaluer leur éblouissement en fonction de trois filtres de couleurs de même intensité, rouge, bleu et vert, et de couleur neutre. Deux intensités de lumière ont été testées dans ce contexte: une forte et une faible.
À l’unanimité, les personnes ont indiqué que le filtre rouge induisait le plus haut niveau d’éblouissement, suivi par le filtre bleu et, dans une moindre mesure, le filtre vert.
Nos résultats montrent que les modèles d'éblouissement actuels ne sont pas entièrement fiables.
Écarts de plus de 50%
«Cet éblouissement était une surprise, car il contredit la littérature sur le sujet», indique Jan Wienold, chercheur et enseignant associé au LIPID et principal auteur de l'étude financée par le Fonds national suisse (FNS). «Nos résultats montrent que les modèles d'éblouissement actuels ne sont pas entièrement fiables. Pour les sources lumineuses ou les vitrages fortement colorés, il convient d'utiliser des méthodes colorimétriques. L'approche photométrique utilisée dans les normes actuelles peut entraîner des écarts de plus de 50% dans l’estimation de l’éblouissement.»
En mettant en évidence la perception inattendue et intense de l'éblouissement causé par la lumière rouge, les conclusions de l'équipe pourraient ouvrir la voie à des technologies de vitrage plus adaptées et à un éclairage LED amélioré lorsque l'on souhaite utiliser une lumière colorée. Les scientifiques du LIPID visent aussi à ce que leurs recherches soient utilisées pour améliorer les modèles d'éblouissement existants et mettre à jour les normes.

Nouvelles expériences
Dans l’intervalle, Jan Wienold a lancé un nouveau projet de recherche de quatre ans financé par le FNS afin d'approfondir ce sujet et de quantifier les effets observés en étendant les expériences à d'autres couleurs et à d'autres méthodes expérimentales.
Fonds national suisse (FNS)
Sneha Jain, Jan Wienold, Luke Hellwig, Marilyne Andersen, “Influence of color on glare perception revealed when seeing the sun through colored glazing”, Scientific Reports, 2025. DOI:10.1038/S41598-025-21737-5